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et il emmena avec lui, sous la conduite de Conté, la seconde compagnie d’aérostiers, celle qui était restée prisonnière à Vürtzbourg ; mais le rôle des aérostats pendant la campagne d’Égypte n’eut rien de belliqueux. Les Anglais s’emparèrent du transport qui contenait la plupart des appareils nécessaires à la production du gaz, et tout se borna à de rares ascensions exécutées dans quelques réjouissances publiques. Une montgolfière tricolore de quinze mètres de diamètre s’éleva au milieu de la fête brillante qui fut donnée au Caire à l’occasion du 9 vendémiaire. Il y avait dans le spectacle de ces expériences majestueuses de quoi frapper l’imagination des Orientaux, et Bonaparte ne manqua pas de recourir à ce nouveau moyen d’étonner et de séduire les populations des bords du Nil ; mais il avait à un trop haut degré le génie militaire pour songer à introduire définitivement l’usage des aérostats dans les armées d’Europe. La surprise des premiers momens avait été favorable à ce nouveau moyen d’observation ; il est évident néanmoins que rien n’empêchait les autres nations de créer des instrumens semblables, et dès-lors l’aérostation serait devenue pour toutes les armées un embarras de plus, sans avantage spécial pour les armées françaises. Il y avait d’ailleurs plus que de l’imprudence à consacrer des sommes considérables et un matériel embarrassant à créer des appareils qu’une volée d’artillerie bien dirigée peut mettre en quelques instans hors de service. À son retour d’Égypte, Bonaparte fit fermer l’école aérostatique de Meudon, et l’on vendit tous les ustensiles, tous les appareils qui existaient dans l’établissement.


IV

Un temps considérable s’était écoulé depuis l’invention des aérostats, et les sciences n’en avaient encore retiré aucun profit. Aussi l’enthousiasme qui avait d’abord accueilli cette découverte avait fait place à une indifférence et à un découragement extrêmes, et l’on fondait si peu d’espoir sur l’application des aérostats aux besoins des sciences naturelles, que vingt ans se passèrent sans amener une seule expérience dirigée dans cette voie ; ce n’est qu’en 1803 que s’accomplit la première ascension exécutée dans la vue d’étudier certains points de l’histoire physique de notre globe. Le physicien Robertson en fut le héros.

Tout Paris a vu, sous l’empire et sous la restauration, le physicien Robertson montrant, dans la rue de la Paix, à l’ancien couvent des Capucines, son cabinet de fantasmagorie. Les débuts de sa carrière avaient été plus brillans. Flamand d’origine, Robertson passa à Liège, lieu de sa naissance, la première partie de sa jeunesse. Il se disposait à entrer dans les ordres, et s’occupait à Louvain des études relatives