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armées de la Moselle et de la Sambre, fortes de cent mille hommes, et qui, sous le nom d’armée de Sambre-et-Meuse, envahissaient la Belgique. Coutelle partit dans l’intention de rejoindre le général à Maubeuge, occupée en ce moment par nos troupes et bloquée par les Autrichiens. Lorsqu’il arriva à Maubeuge, l’armée venait de quitter ses quartiers ; elle était à six lieues de là, au village de Beaumont. Coutelle repartit, il fit six lieues à franc étrier, et arriva à Beaumont couvert de boue. Il fut arrêté aux avant-postes et amené devant le représentant Duquesnoy, commissaire de la convention à l’armée du nord. Duquesnoy était l’ami et le rival de Joseph Lebon, et il exerçait à l’armée du nord cet étrange office des commissaires de la convention qui consistait à mener les soldats au feu et à forcer les généraux de vaincre sous la menace de la guillotine. Lorsque Coutelle lui fut amené, Duquesnoy était à table. Il ne comprit rien à l’ordre du comité de salut public. — Un ballon, dit-il, un ballon dans le camp… Vous m’avez tout l’air d’un suspect, je vais commencer par vous faire fusiller. On réussit cependant à faire entendre raison au terrible commissaire, et Duquesnoy renvoya Coutelle au général Jourdan. Celui-ci accueillit avec empressement l’idée de faire servir les aérostats aux reconnaissances militaires ; mais l’ennemi était à une lieue de Beaumont : d’un moment à l’autre, il pouvait attaquer, et le temps ne permettait d’entreprendre aucun essai. Coutelle revint à Paris.

Assurée de l’assentiment du général, la commission décida de continuer et d’étendre les expériences. On adjoignit à Coutelle le physicien Conté pour l’aider dans ses travaux, et on les installa dans le château et les jardins de Meudon. Coutelle se procura un aérostat capable d’enlever deux personnes ; on construisit un nouveau fourneau dans lequel on plaça sept tuyaux de fonte : ces tuyaux, longs de trois mètres et de trois décimètres de diamètre, étaient remplis chacun, de deux cents kilogrammes de rognures de fer que l’on foulait à l’aide du mouton pour les faire pénétrer dans le tube. Le gaz fut ainsi obtenu facilement et en grande abondance. Tout étant disposé, on put se livrer aux expériences définitives de l’emploi des ballons dans les reconnaissances extérieures. Coutelle y procéda en présence de Guyton, de Monge et de Fourcroy. Il s’éleva à diverses reprises à une hauteur de cinq cent cinquante mètres dans le ballon retenu captif. Deux cordes étaient attachées à la circonférence du ballon ; dix hommes placés à terre les retenaient. On constata de cette manière que l’on pouvait embrasser un espace très étendu et reconnaître très nettement les objets, soit à la vue simple, soit à l’aide d’une lunette d’approche ; on étudia en même temps les moyens de transmettre les avis aux personnes restées à terre. Tous ces essais eurent un résultat satisfaisant. On reconnut toutefois que, par les grands vents, il serait difficile de