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lombards ne tinrent pas compte de la situation où la Suisse avait dû se placer vis-à-vis de l’Autriche : s’étant dérobés en assez grand nombre à la surveillance des troupes fédérales, ils parvinrent à se jeter momentanément et les armes à la main sur le territoire lombard. Après une violation si flagrante de l’hospitalité, les autorités fédérales, d’accord avec leurs représentans, décidèrent que les réfugiés seraient internés dans la partie de la Suisse voisine des Alpes allemandes ; elles rendaient en outre le gouvernement du Tessin responsable de l’exécution de ce décret, et lui défendaient de permettre à de nouveaux réfugiés de séjourner dans ce canton. Les protestations que les députés du Tessin et quelques autres opposèrent à ces décrets ne trouvèrent pas d’écho auprès de la majorité. Un des députés envoyés au Tessin comme officiers leur répondit nettement « qu’il ne croyait pas que le gouvernement du Tessin eût la volonté ou la force de faire ce qui était nécessaire pour garantir les intérêts de la confédération et pour exercer une police convenable sur les réfugiés. » Peu de temps après, le conseil d’état du Tessin justifia indirectement cette parole sévère en disant dans son compte-rendu  : « Ce qui, au milieu d’octobre, n’était qu’une appréhension est devenu une triste réalité. La force armée que nous imaginions envoyée par la confédération pour nous protéger n’a pas tardé à servir exclusivement d’appui aux prétentions de l’étranger. Quelquefois même on en a fait usage contre les libertés sacrées du pays et contre le droit d’asile, et, nous le disons avec douleur, ce n’était point un simple malentendu. »

Il paraît néanmoins que la présence des troupes fédérales finit par ramener le gouvernement du Tessin à mieux comprendre et à mieux pratiquer la politique de la confédération, car les rapports entre la Lombardie et le Tessin n’ont plus subi de sérieuses altérations, malgré la campagne de 1849 et aussi malgré les efforts du ministère sarde, qui, à la veille de cette campagne, crut devoir se départir de son attitude jusqu’alors réservée vis-à-vis du directoire. Le conseil fédéral avait décidé « qu’il ne serait plus permis à des réfugiés lombards munis de passeports piémontais de séjourner dans le Tessin. » Le cabinet sarde protesta, par note du 10 février, contre une mesure qui niait le droit du roi, de protéger les Lombards, et par là même l’union de la Lombardie aux états sardes ; la note concluait par la menace d’interrompre les relations commerciales entre les deux pays. Le conseil fédéral y répondit que « de même que la Suisse ne pourrait pas permettre qu’une masse d’Autrichiens munis des passeports les plus réguliers séjournassent dans le Tessin, pour de là inquiéter la Sardaigne, elle ne pouvait pas davantage consentir à ce que des réfugiés lombards se rassemblassent dans ce canton pour attaquer la Lombardie… » Quant à la menace par laquelle se terminait la note