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l’on aperçut une immense montgolfière, déjà gonflée par l’action du feu, maintenue par cent cinquante cordes que retenaient quatre cents ouvriers. Dix minutes après, une seconde décharge annonça le départ du ballon, qui s’éleva avec une lenteur majestueuse et alla descendre près de Chantilly, à treize lieues de son point de départ. Proust et Pilâtre des Rosiers parcoururent dans ce voyage la plus grande distance que l’on eût jamais franchie avec une montgolfière ; ils atteignirent aussi la hauteur la plus grande à laquelle on puisse s’élever avec un appareil de ce genre. Ils demeurèrent assez long-temps plongés dans les nuages et enveloppés dans la neige qui se formait autour d’eux.

Le zèle des aéronautes et des savans ne se ralentissait pas. Chaque jour, pour ainsi dire, était marqué par une expérience qui présentait souvent les circonstances les plus curieuses et les plus dignes d’intérêt. Parmi ces expériences, il faut noter surtout les nombreuses ascensions faites avec l’aérostat à gaz inflammable construit par les soins de l’académie de Dijon, et monté à diverses reprises par Guyton de Morveau, l’abbé Bertrand et M. de Virly. La science naissante de l’aérostation dut à ces essais plusieurs résultats utiles. Quant au but principal que se proposait Guyton de Morveau, il ne fut pas atteint. Guyton avait fait construire une machine pourvue de quatre rames, mises en mouvement par un mécanisme et destinées à diriger son aérostat. Au moment du départ, un coup de vent endommagea l’appareil et mit deux rames hors de service. Guyton assura cependant avoir produit avec les deux rames qui lui restaient un effet très sensible sur les mouvemens du ballon : aussi continua-t-on ces expériences pendant assez longt-emps, et l’académie de Dijon y dépensa beaucoup d’argent, mais on ne tarda pas à reconnaître qu’on s’attaquait à un problème insoluble.

En même temps, sur tous les points de la France, se succédaient des ascensions plus ou moins périlleuses. À Marseille, deux négocians nommés Brémond et Taret s’élevèrent dans une montgolfière de seize mètres de diamètre. À leur première ascension, ils ne restèrent en l’air que quelques minutes : ils s’élevèrent très haut à leur second voyage ; mais la machine s’embrasa au milieu des airs, et ils ne regagnèrent la terre qu’au prix des plus grands dangers. Joseph Montgolfier lança dans le faubourg Saint-Antoine un ballon captif qui dépassa la hauteur des édifices les plus élevés de Paris. La marquise et la comtesse de Montalembert, la comtesse Podenas et Mlle de Lagarde étaient les aéronautes de ce galant équipage, que commandait le marquis de Montalembert. À Aix, un amateur nommé, Rambaud s’enleva dans une montgolfière de seize mètres de diamètre. Il resta dix-sept minutes en l’air, et atteignit une hauteur considérable. Redescendu à terre, il sauta hors du ballon sans songer à le retenir. Allégé de ce poids, le ballon partit comme une flèche, et on le vit bientôt prendre