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qu’il exécuta lui-même, et qui ne présenta d’ailleurs aucune circonstance digne d’être notée.

C’est à cette époque qu’eut lieu à Paris la première ascension de Blanchard, dont le nom était destiné à devenir fameux dans les fastes de l’aérostation. Avant la découverte des ballons, Blanchard, qui possédait le génie ou tout au moins le goût des arts mécaniques, s’était appliqué à trouver un mécanisme propre à naviguer dans les airs. Il avait construit un bateau volant, machine atmosphérique armée de rames et d’agrès, avec laquelle il se soutenait quelque temps dans l’air à quatre-vingts pieds de hauteur. En 1782, il avait exposé sa machine dans les jardins du grand hôtel de la rue Taranne où se trouve aujourd’hui un établissement de bains. La découverte des aérostats qui survint sur ces entrefaites détermina Blanchard à abandonner les recherches de ce genre, et il se fit aéronaute. Il exécuta sa première ascension au Champ-de-Mars, avec un ballon à gaz hydrogène, le 2 mars 1784, devant une foule immense. Blanchard avait jugé utile d’adapter à son ballon les rames et le mécanisme qui faisaient mouvoir son bateau volant ; il espérait en tirer parti pour se diriger ou pour résister à l’impulsion du vent. Il monta dans la nacelle, ayant à ses côtés un moine bénédictin, le physicien dom Pech. On coupa les cordes, mais le ballon ne s’éleva pas au-delà de cinq mètres ; il s’était troué pendant les manœuvres, et le poids qu’il devait entraîner était trop lourd pour son volume. Il tomba rudement par terre, et la nacelle éprouva un choc des plus violens. Le bon père jugea prudent de quitter la place ; Blanchard répara promptement le dommage, et il s’apprêtait à repartir seul, lorsqu’un jeune homme perce la foule, se jette dans la nacelle, et veut absolument partir avec lui. Toutes les remontrances, toutes les prières de Blanchard furent inutiles. — Le roi me l’a permis, criait l’obstiné. Blanchard, ennuyé du contre-temps, le saisit au corps pour le précipiter de la nacelle ; mais le jeune homme tire son épée, fond sur lui et le blesse au poignet. On se saisit enfin de ce furieux, et Blanchard peut s’élancer. On a prétendu que ce jeune homme n’était, autre que Bonaparte, alors élève à l’École militaire. Dans ses Mémoires, Napoléon a pris la peine de démentir ce fait : le jeune enthousiaste était un de ses camarades, nommé Dupont, élève, comme lui, à l’École militaire.

Blanchard s’éleva au-dessus de Passy, et vint descendre dans la plaine de Billancourt, près de la manufacture de Sèvres ; il ne resta que cinq quarts d’heure dans l’air. Cette ascension, si courte, n’en fut pas moins marquée par une circonstance curieuse. Tout le monde sait aujourd’hui qu’un aérostat ne doit jamais être entièrement gonflé au moment du départ : on le remplit seulement aux trois quarts environ. Il serait très dangereux, en quittant la terre, de l’enfler complètement,