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à construire un appareil de grande dimension, et résolurent d’exécuter sur une des places de la ville d’Annonay une expérience solennelle, pour faire connaître et constater publiquement leur découverte. L’expérience eut lieu le 5 juin 1783, en présence d’une foule immense. L’assemblée des états particuliers du Vivarais, qui siégeait en ce moment dans la ville d’Annonay, assista tout entière à cette épreuve mémorable. La machine aérostatique avait douze mètres de diamètre ; elle était construite en toile d’emballage doublée de papier. À sa partie inférieure, on avait disposé un réchaud en fil de fer sur lequel on brûla dix livres de paille mouillée et de laine hachée. La machine fit effort pour se soulever, on l’abandonna à elle-même, et elle s’éleva aussitôt, aux acclamations des spectateurs. En dix minutes, elle monta à cinq cents mètres de hauteur ; mais, comme elle perdait la plus grande partie de son gaz par suite de la perméabilité de la toile et du papier, on la vit bientôt redescendre lentement vers la terre. Un procès-verbal de cette grande expérience fut dressé aussitôt par les membres des états du Vivarais et expédié à l’Académie des Sciences de Paris. Sur la demande de M. de Breteuil, alors ministre, l’Académie des Sciences nomma une commission peur prendre connaissance des faits. Lavoisier, Cadet, Condorcet, Desrnaretz, Bossut, Brisson, Leroy et Tillet composaient cette commission. Étienne Montgolfier fut mandé à Paris et prévenu que l’expérience serait répétée prochainement aux frais de l’Académie.

Cependant la nouvelle de l’expérience d’Annonay avait causé à Paris une sensation des plus vives. La curiosité du public et des savarts était trop vivement excitée pour que l’on s’accommodât des lenteurs habituelles des commissions académiques. Il fallait à tout prix répéter immédiatement l’expérience sous les yeux des parisiens. Faujas de Saint-Fond, professeur au Muséum, ouvrit une souscription publique pour subvenir aux frais de l’entreprise ; 10,000 francs furent recueillis en quelques jours. Les frères Robert, habiles constructeurs d’instrumens de physique, furent chargés d’édifier la machine ; le professeur Charles, alors dans tout l’éclat de la jeunesse et du talent, se chargea de diriger le travail. L’entreprise offrait beaucoup de difficultés, on le comprendra sans peine. Le procès-verbal de l’expérience de Montgolfier, les lettres d’Annonay qui en avaient raconté les détails ne donnaient aucune indication sur la nature du gaz dont s’était servi l’inventeur : on se bornait à dire que la machine avait été remplie avec un gaz moitié moins pesant que l’air ordinaire. Charles ne perdit pas son temps à chercher quel était le gaz dont Montgolfier avait fait usage ; il comprit que, puisque l’expérience avait réussi avec un gaz qui n’avait que la moitié du poids spécifique de l’air commun, elle réussirait bien mieux encore avec le gaz inflammable ou gaz hydrogène, qui pèse quatorze fois moins que