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spéculations purement théoriques, et ils formèrent le projet d’imiter la nature dans l’une de ses opérations les plus brillantes. Il ne leur parut pas impossible de composer des nuages factices qui, à l’imitation des nuages naturels, s’élèveraient dans les plus hautes régions de l’air. Pour reproduire autant que possible les conditions que présente la nature, ils renfermèrent de la vapeur d’eau dans une enveloppe à la fois résistante et légère. Ce nuage factice s’élevait dans l’air, mais la température extérieure ramenait bientôt la vapeur à l’état liquide, l’enveloppe se mouillait, et l’appareil retombait sur le sol. Ils essayèrent, sans plus de succès, d’emmagasiner la fumée produite par la combustion du bois et dirigée dans une enveloppe de toile. Le gaz reçu dans cette enveloppe se refroidissait et ne parvenait point à soulever le petit appareil.

Sur ces entrefaites parut en France la traduction de l’ouvrage de Priestley : Des différentes Espèces d’air. Dans ce livre, qui exerça une influence décisive sur la création et le développement de la chimie, Priestley faisait connaître un grand nombre de gaz nouveaux ; il exposait en termes généraux les propriétés, les caractères, le poids spécifique, les différences relatives des fluides élastiques. Dans un séjour que fit Étienne Montgolfier à Montpellier, il eut occasion de lire l’ouvrage de Priestley. En revenant à Annonay, il réfléchissait profondément sur les faits signalés par le physicien anglais, et c’est en montant la côte de Serrière qu’il fut frappé, dit-il dans son Discours à l’Académie de Lyon, de la possibilité de rendre l’air navigable en tirant parti de l’une des propriétés reconnues par Priestley aux fluides élastiques. Il suffisait, pour s’élever dans l’atmosphère, de renfermer dans une enveloppe d’un faible poids un gaz plus léger que l’air ; l’appareil s’élèverait, en vertu de son excès de légèreté sur l’air environnant, jusqu’à ce qu’il rencontrât à une certaine hauteur des couches dont la pesanteur spécifique le maintînt en équilibre. Rentré chez lui, Étienne Montgolfier se hâta de communiquer cette pensée à son frère, qui l’accueillit avec transport. Dès ce moment, ils furent certains de réussir dans leurs tentatives pour imiter et reproduire les nuages. Ils essayèrent d’abord de renfermer dans diverses enveloppes d’un faible poids, certains gaz plus légers que l’air. Le gaz inflammable, c’est-à-dire le gaz hydrogène, fut essayé l’un des premiers ; mais l’enveloppe de papier dont ils se servirent était perméable au gaz, elle laissait transpirer l’hydrogène, l’air entrait à sa place, et le globe, un moment soulevé, ne tardait pas à redescendre. D’ailleurs, l’hydrogène était un gaz à peine observé à cette époque et encore très mal connu, la préparation en était difficile et coûteuse ; on renonça à en faire usage. Après avoir essayé quelques autres gaz ou vapeurs, les frères Montgolfier en vinrent à penser que l’électricité, qui, selon eux, était une des causes