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jusqu’au vaisseau de M. Petin, se rattachent par plus d’un point, nous espérons le prouver, à l’histoire des sciences physiques comme à leurs récens progrès.

Personne n’ignore que l’invention des aérostats, d’origine toute française, appartient aux frères Étienne et Joseph Montgolfier, fils d’un manufacturier d’Annonay, connu depuis long-temps pour son habileté dans l’art de la fabrication du papier. La famille Montgolfier était originaire de la petite ville d’Ambert, en Auvergne. On voyait encore, vers le milieu du siècle dernier, sur le penchant d’une colline qui domine la ville, les ruines d’une très ancienne résidence de la famille Montgolfier, qui paraît avoir donné ou pris son nom au pays qu’elle habitait[1]. Les Montgolfier avaient embrassé avec ardeur la cause de la réforme ; après les massacres de la Saint-Barthélemy, leurs biens furent confisqués, leurs papeteries détruites, et ils vinrent se réfugier, avec les débris de leur fortune, dans les montagnes du Vivarais. Les établissemens nouveaux qu’ils fondèrent plus tard à Annonay ne tardèrent pas à acquérir une grande importance, et, dès le commencement du XVIIIe siècle, la manufacture de Pierre Montgolfier était connue dans toute l’Europe pour la perfection de ses produits.

C’est au milieu de cette famille vouée depuis des siècles à la pratique de l’industrie et des arts, sous les yeux d’un père justement honoré pour ses lumières et sa probité, vivant en patriarche entre ses ouvriers et ses enfans, que naquirent les inventeurs de la machine aérostatique. Destinés à se livrer par état aux opérations industrielles, ils s’y préparèrent de bonne heure par l’étude des sciences, dont plus tard ils ne perdirent jamais le goût. Étienne Montgolfier avait une vocation marquée pour l’architecture ; il se rendit à Paris, où il reçut les leçons de Soufflot. Il existe encore dans les environs de Paris des églises et des maisons bâties d’après ses plans, et qui témoignent de son talent non moins que de son goût. Étienne avait en outre pour les mathématiques des dispositions précoces, qui lui avaient valu l’estime des savans les plus distingués. Cependant son père le rappela à Annonay pour prendre part à la direction de la manufacture héréditaire. Étienne Montgolfier apporta à sa famille l’utile secours de ses connaissances. Il découvrit divers procédés de fabrication que les Hollandais, long-temps nos rivaux en ce genre, enveloppaient d’un impénétrable mystère[2], et contribua pour beaucoup à amener la révolution

  1. On trouve en effet, dans la grande carte de France de Cassini, feuille 52, au nord-est d’Ambert, le Mont-Golfier, et au-dessous le cros du Mont-Golfier.
  2. C’est ainsi qu’il changea le moteur employé dans la fabrique, modifia la disposition des séchoirs, et inventa des formes pour le papier grand-monde, inconnu avant lui. Il trouva aussi le secret de la fabrication du papier vélin, que la France avait jusqu’alors tiré de l’étranger.