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Maintenant que nous pouvons réunir tous les élémens dont se composait l’ensemble des dépenses de la liste civile dans le domaine de la couronne, il devient facile de traduire en un chiffre la dette morale de l’état nu-propriétaire envers l’usufruitier royal. Indépendamment d’une dépense de plus de 105 millions, au moyen de laquelle le roi a largement pourvu à la conservation et à l’entretien de ce domaine, il y a consacré, en travaux d’embellissement et d’amélioration entièrement facultatifs, la somme de 48,770,000 francs, dont voici le détail :


Bâtimens de la couronne 33,615,000 fr.
Domaines 1,560,000
Décoration des palais et collections 10,500,000
Forêts 2, 715,000[1]
Acquisitions on dons de terrains 380,000
Total 48, 770,000 fr.

C’est donc une somme de plus de 48 millions et demi que le roi a dépensée en sus des obligations de l’usufruit dans la partie immobilière de la dotation de la couronne ; c’est une somme de plus de 48 millions et demi dont la libéralité de Louis-Philippe a gratifié la nation, quand il avait le choix et le pouvoir de l’employer pour son avantage particulier ; c’est une somme de plus de 48 millions et demi que l’état devrait à Louis-Philippe, si le nu-propriétaire comptait avec l’usufruitier.

Et cependant, quinze mois après la révolution de février, alors que les passions commençaient à s’amortir, alors que l’état devait bien connaître toute la valeur du legs qu’il avait recueilli, le gouvernement faisait prendre sur les biens du domaine privé une hypothèque de 25 millions pour représentation du tort que ce prince aurait fait au domaine de l’état. On obéissait ainsi aux suggestions d’une tactique parlementaire qui voulait être habile, on faisait acte de complaisance pour les violences d’une partie de l’opposition, tout en conservant l’arrière-pensée de rendre plus tard hommage à la justice et à la vérité ; mais n’est-ce pas ainsi qu’on égare et qu’on pervertit l’opinion publique ? L’opinion ne se rend pas compte des subtilités d’une tactique dont elle ne reçoit pas la confidence, et, quand elle voit les premiers fonctionnaires de l’état proclamer par une décision solennelle que le

  1. Les dépenses extraordinaires faites aux frais de la liste civile dans les forêts de la couronne ont coûté 4,150,000 francs, ainsi que nous l’avons établi ; mais, comme déjà nous avons porté au compte des améliorations faites dans les bâtimens de la couronne une somme de 1,433,000 francs dépensée en constructions forestières, nous avons dû pour ne pas faire de double emploi, la retrancher du compte des dépenses d’amélioration, des forêts dans le tableau général des sacrifices faits par le roi.