Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/132

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il convient maintenant de grouper ces divers faits et de les traduire en chiffres. Indépendamment de toutes les dépenses consacrées à seconder la renaissance du travail, indépendamment de tous les frais d’une représentation qui rendait la royauté accessible et profitable à toutes les classes de la société, le roi Louis-Philippe, dès les premiers temps de son règne, s’était généreusement grevé d’une dépense absolument imprévue de près de 16 millions. Il avait en outre souscrit une garantie de 6 autres millions, qui se changea plus tard en une nouvelle charge de 1,200,000 francs : l’ensemble de ces sacrifices s’éleva à plus de 17 millions. Pour unique compensation, le domaine privé avait recueilli un accroissement de revenu net qui n’a pas atteint 110,000 fr. en 1831 et 1832.

Il y avait bien là de quoi faire réfléchir le roi et le père de famille. Son premier souci aurait dû être de combler les déficits qu’une période si courte avait suffi à creuser ; mais le roi avait pour principe que tous les revenus versés entre ses mains par le trésor public devaient retourner au pays par toutes les dépenses propres à favoriser ses intérêts et sa gloire. Soulager les infortunes, réparer les injustices du sort, encourager les lettres et les arts, favoriser l’industrie, se mettre incessamment en rapport avec les grands corps de l’état, avec la garde nationale et l’armée, rétablir enfin la dotation de la couronne dans tout l’éclat qui convient au chef d’une grande nation, tels étaient les termes dans lesquels ce prince définissait lui-même le noble mandat de la royauté. Quant au père de famille, il pensait que le roi devait plus encore que le duc d’Orléans, contribuer, par des travaux et des améliorations, au bien-être des populations qui entouraient les anciennes résidences de sa maison.

On pouvait donc prévoir dès-lors que les économies de l’avenir ne viendraient pas réparer les prodigalités d’un passé déjà si généreux. Une nouvelle cause devait bientôt d’ailleurs ajouter aux embarras de la situation personnelle du roi. En effet, la loi du 2 mars 1832, qui régla le chiffre et les conditions essentielles de la liste civile, réduisit à 12 millions l’allocation royale que le ministère de MM. Laffitte et Dupont (de l’Eure) avait proposé de fixer à 18 millions, et sur laquelle le roi avait compté pour faire face à toutes les charges de la couronne. L’esprit de défiance et de crédulité qui devait miner insensiblement et ruiner enfin plus tard les institutions monarchiques s’était déjà fait jour dans plusieurs articles de la loi nouvelle. Contrairement au droit historique et au texte même du titre primitif, rappelés et consacrés de nouveau par la loi du 15 janvier 1823, la chambre des députés supprima l’apanage de la maison d’Orléans, sans admettre en même temps le principe fixe et assuré, soit d’un nouvel apanage, soit de dotations princières, et cependant voici comment M. Dupin, dans une discussion sans réplique, caractérisait le droit de la maison d’Orléans :