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guerres les plus glorieuses. Plus tard, sans doute, la Revue portera aussi son consciencieux examen sur les résultats de notre administration intérieure pendant le règne du roi Louis-Philippe : la république, qui a tant usé les mots sans user des choses, profiterait beaucoup aux grandes leçons de cette liberté légale, de cette égalité devant la loi, de cette fraternité avare de sang humain, prodigue de clémence et de charité, qui furent les caractères distinctifs de la politique intérieure de la dernière monarchie ; mais nous nous arrêtons ici aux limites du cercle modeste qu’il ne nous convient pas de franchir aujourd’hui : le titre même de cet exposé nous en fait un devoir, et nous entrons directement dans notre sujet.

La politique seule était loin de suffire à défrayer les auteurs des attaques incessantes dirigées contre la royauté de juillet. Leurs calomnies la poursuivaient avec plus d’acharnement encore dans ses affaires infinies et privées. Dénaturer certains faits, grossir les autres, inventer enfin des faits matériellement faux, tels étaient les procédés par lesquels on s’efforçait chaque jour de pervertir l’opinion publique, en la soulevant contre l’homme et le père de famille en même temps que contre le monarque. L’avarice et la rapacité de Louis-Philippe, tel était le texte inépuisable des accusations empoisonnées que la presse démagogique et souvent, hélas ! l’opposition dynastique elle-même faisaient arriver au peuple par les mille canaux d’une immense publicité. Articles de journaux, insertions de lettres, dénonciations anonymes, pamphlets et almanachs populaires, rien n’était épargné. En vain des démentis officiels furent produits deux fois à la tribune avec une énergique indignation, développés, j’ose le dire, avec l’autorité d’une bonne foi non contestée alors et consacrée depuis par le temps. En vain des journaux : et des écrivains courageux cherchèrent à désabuser cette crédulité française, qui penche toujours du côté de la critique et de l’opposition leurs efforts réunis ne purent arrêter les ravages de ce torrent empoisonné ; le doute et l’hésitation pénétraient dans bien des esprits ; l’animosité, la haine aveugle, s’emparaient de bien des ames. La masse même de la bourgeoisie parisienne arriva par degrés à cet esprit d’indifférence et d’abandon qui, le jour du danger suprême, devait rendre toute défense impossible. Se défendre, en effet, c’était se condamner à parcourir toute une carrière de guerre civile qui faisait horreur à l’ame généreuse du roi, qui eût ensanglanté tout à la fois la France et cette ville de Paris dont il avait donné le nom à son petit-fils.

En ce qui concerne les affaires intimes et privées du roi Louis-Philippe, les documens tombés aux mains de la révolution victorieuse étaient plus nombreux et plus précis encore que ceux qui intéressaient directement la politique. Tous, sans exception, étaient répartis entre deux administrations, celles de la liste civile et du domaine privé ; et