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paru condamnés à se précipiter, par un enchaînement fatal dans un abîme commun que leurs ruines même ne pouvaient combler : Louis XVI, Napoléon, Louis XVIII, Charles X, avaient été entraînés tour à tour sur cette pente rapide qui semble emporter la fortune et le nom même de la France vers des écueils inconnus ; mais pas un seul de ces chefs de gouvernement n’avait été frappé d’une manière aussi soudaine, aussi imprévue, aussi fatale que le roi Louis-Philippe. Louis XVI pendant la longue et douloureuse agonie de la royauté, les princes ses frères avant de se réfugier sur le sol étranger. Marie-Louise avant d’abandonner Paris, l’empereur avant d’abdiquer à Fontainebleau, Louis XVIII pendant quinze jours (du 5 au 20 mars), Napoléon une fois encore pendant son martyre de l’Élysée, Charles X enfin à partir du jour où il avait signé ses funestes ordonnances, tous avaient pu se recueillir et garantir des profanations de la publicité leur gloire ou leurs intérêts. Pour l’auguste chef de la maison d’Orléans, la Providence eut d’autres rigueurs et d’autres dangers. Son corps devait échapper à ses ennemis ; mais son ame, mais ses sentimens secrets devaient en quelque sorte rester prisonniers entre les mains de ses accusateurs les plus acharnés.

Eh bien ! petits rhéteurs, grands dénonciateurs de rois, quatre mois durant, vous avez fouillé ces archives que vous livrait un coup de foudre ; d’un œil ardent et passionné vous avez lu ces correspondances, ces notes, ces mémoires. — Pourquoi vous être tus sur ces preuves destinées à vous absoudre de la honte qui s’attache aux calomniateurs ? Vous avez bien encore osé faire balbutier du haut de la tribune les mots de roi cupide par quelque montagnard ignorant et ignoré ; vous avez bien osé appeler encore Louis-Philippe un tyran dans les colonnes d’un journal qui a perdu le droit de parler de corruption et de tyrannie ; mais votre langue s’est glacée dans votre bouche, et votre plume s’est brisée entre vos doigts le jour où il aurait fallu prouver que pendant dix-huit ans vous n’aviez pas menti à la France et au monde ! Déjà vous aviez banni toute une race royale ; mais vous n’avez pu bannir indéfiniment avec elle la justice et la vérité, ces deux grandes consolatrices de l’exil, supérieures à vos atteintes et plus fortes que tous les décrets parlementaires. La Revue des Deux Mondes s’est noblement associée à cette croisade pacifique et sainte qui prend pour armes les documens historiques, et pour but la pureté même de l’histoire. Elle a retracé en particulier, par la plume exercée d’un écrivain placé près d’une source pure et élevée[1], les phases diverses de cette diplomatie habile et nationale qui a su faire sortir du sein de la paix plus de succès politiques que n’en ont souvent amené à leur suite les

  1. M. le comte d’Haussonville, gendre de M. le duc de Broglie.