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trop admirer dans cette noble vie, c’est l’unité de conduite et de sentimens qui en a marqué toutes les époques. La destinée tout entière de Louis-Philippe, depuis le long exil de sa jeunesse jusqu’à l’exil suprême de ses vieux jours, peut se résumer dans ces seuls mots : — dévouement absolu à la France. Cette vérité ressortira du témoignage que nous devions à l’histoire sur des faits qui se sont développés devant nous pendant dix-huit années, et que nous avons connus mieux que personne.

Mais nous pouvons le dire tout d’abord : avant d’être vaincue par l’autorité des faits, la calomnie devait être confondue et flétrie au sein même de son triomphe. Le 24 février 1848, tous les documens qui pouvaient intéresser le passé, le présent ou l’avenir de la famille d’Orléans, depuis les épanchemens du cœur jusqu’aux combinaisons les plus élevées de la politique, tous les papiers, depuis les lettres de famille les plus intimes jusqu’aux comptes des dépenses les plus secrètes, tous, sans en rien excepter, sont restés aux mains de ceux-là même qui avaient poursuivi le roi de leur haine envenimée et de leurs clameurs hostiles. Jamais assurément catastrophe plus terrible, venant fondre sur une dynastie, n’éclaira d’une lumière plus éclatante et plus imprévue ses sentimens, ses desseins, ses intérêts. Devant un concours de circonstances dont je ne me propose pas aujourd’hui de sonder les causes et d’analyser le douloureux ensemble, la retraite du roi et de la famille royale dut être si prompte, que ni elle, ni ses serviteurs n’eurent un moment pour recueillir les premiers objets nécessaires ail départ. Le dénûment dans lequel le roi quitta Paris était tel qu’il dut emprunter 3,000 francs lors de son passage à Versailles. Comment, au sein même de cette tempête irrésistible dans sa rapidité, songer aux papiers qui encombraient le palais des Tuileries, le Palais-Royal, le Louvre et l’hôtel de la place Vendôme ? Pas un seul n’échappa aux hommes qui, dans cette journée néfaste et par un décret impénétrable de la Providence, devaient triompher sans combat et sans gloire. En vain un serviteur fidèle se hâta-t-il de jeter dans un endroit obscur et retiré deux portefeuilles précieux que sa piété se proposait de recueillir plus tard : ceux-là même ne purent échapper aux recherches du gouvernement de l’Hôtel-de-Ville, aidées par les conseils avides d’une trahison secrète. Ainsi ces calomniateurs infatigables, qui avaient accusé chaque jour le roi Louis-Philippe de conspirer contre les lois, de trahir l’honneur de la France, de spolier l’état, d’amasser des richesses à l’étranger, tenaient entre leurs mains la preuve de toutes les mauvaises pensées et de tous les crimes que leurs calomnies meurtrières avaient imputés au prince !

Il y a soixante ans que d’incessantes révolutions bouleversent la France, et tous les pouvoirs qui l’ont successivement gouvernée ont