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de numéraire, quand il n’élève pas sur ses frontières des douanes qui arrêtent ou qui gênent ses relations commerciales avec l’étranger, et quand il ne livre pas au papier de banque le terrain qui appartient naturellement aux espèces métalliques. En tenant compte de l’état des colonies, si la Banque de France émet dans la métropole des billets de 100 francs, on pourrait faire descendre à 50 francs la plus petite coupure des banques coloniales. Aller au-delà, ce serait exclure de la circulation les métaux précieux et tomber dans les inconvéniens du papier-monnaie.

Le projet de loi, qui invente une constitution si étrange et si incomplète pour les banques coloniales, et qui les rattache, par le caractère de leurs émissions, à ces conceptions chimériques dont les débats de l’assemblée constituante ont trop souvent retenti dans le cours de 1848, l’année aux aventures, donne un tour encore plus extraordinaire aux opérations des banques une fois établies. Ces établissemens de crédit, tels qu’on les propose, ont un caractère vraiment universel ; ils réunissent les attributions des comptoirs d’escompte avec celles des institutions de prêt sur nantissement ; on les charge même d’avancer de l’argent sur des gages à venir et d’escompter des espérances. Ils ont une façade tournée vers le royaume des songes, une autre vers la plus pauvre réalité.

Le prêt sur récoltes est la combinaison principale du projet. L’exposé des motifs y voit même toute la banque coloniale. « Si cette combinaison ne se réalise pas, nous dit-on, cette institution ne sera pas seulement une dangereuse superfluité ; l’opinion publique dira encore aux colonies qu’elle est une iniquité. »

L’auteur de l’exposé n’a pas pris garde, il faut le croire, aux conséquences de ce raisonnement poussé à l’extrême. Si les banques dans les colonies ne doivent pas avoir d’autre effet utile que le prêt sur récoltes, et si le prêt sur récoltes présente des chances tellement aléatoires que l’établissement qui voudrait les courir n’aurait peut-être pas devant lui deux années d’existence, le projet de loi, tout projet conçu dans l’intérêt du crédit colonial, va se trouver irrévocablement condamné par avance.

Mais non, l’on a beau dire que le commerce colonial « est et doit être un commerce d’échanges ; » les relations commerciales, quand elles descendraient à ce genre de trafic, supposent encore une mesure des valeurs qui est l’argent, et en outre les transactions, ne s’opérant pas au comptant, exigent toutes les ressources du crédit que le progrès industriel amène à sa suite. Nos colonies ne se passeront, pas plus que la métropole, de lettres de change, de billets à ordre, de traites et d’établissemens qui les escomptent. Partout où il y a production, les produits donnent lieu à des ventes et à des achats. L’agriculture appelle