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en Russie et en Autriche : la même cause produirait certainement les mêmes effets.

Le gouvernement se flatte de contenir cette tendance en ralentissant et en mesurant avec parcimonie l’introduction du papier de banque. Il ne s’agit, suivant l’exposé des motifs, que de venir en aide à la circulation et d’en combler le déficit. C’est là un raisonnement de pure théorie. Puisque l’utilité dont est le numéraire aux colonies n’a pas fourni une prime suffisante pour l’y retenir, en donnant un suppléant ou un substitut à la monnaie métallique, on ne fera que diminuer la résistance que rencontre l’exportation. Tous ceux qui auront des billets trouveront moins d’inconvéniens que par le passé à se séparer de leur or ou de leur argent. Si la somme des billets circulans devient insuffisante, on sera bientôt amené à l’accroître. Alors la révolution sera complète. Il y aura deux monnaies : le papier, pour la circulation intérieure, et les espèces, pour solder les comptes avec l’étranger.

Je conçois qu’au point de vue commercial on regrette de ne pas voir les colonies solder, avec les produits de leur sol ou de leur industrie, les importations qu’elles reçoivent. La production coloniale et par suite la prospérité de ces contrées s’accroîtraient, si les colons pouvaient opérer des retours en marchandises. Dans les relations du commerce, le change tourne nécessairement contre les places qui n’ont que du numéraire à expédier en paiement de leurs achats au dehors ; mais, à prendre l’exportation des espèces métalliques à un point de vue plus général, je ne comprends pas bien pourquoi les nations y feraient obstacle.

Le numéraire est, à beaucoup d’égards, une marchandise qui doit pouvoir, comme toutes les autres, chercher librement le marché qui lui convient. L’importation et l’exportation des métaux précieux obéissent à des courans que les circonstances déterminent. Londres est le grand marché de l’or en Europe, et Paris le principal marché d’argent. Changera-t-on arbitrairement cette direction que le commerce a prise ? Empêchera-t-on que les métaux affluent dans les grands centres où ils trouvent à point nommé des acheteurs ? L’argent importé annuellement en France excède les besoins de la circulation dans une proportion notable. Une partie de cet excédant s’écoule vers l’Italie, vers la Suisse et vers l’Allemagne. Nous monnayons des espèces d’argent pour l’Europe entière. Faudrait-il s’effrayer outre mesure, si quelques centaines de milliers de francs étaient chaque année expédiées aux Antilles pour se répandre de là sur le continent américain, qui est la source principale d’où s’épanchent à grands flots sur l’Europe les métaux précieux tels que l’or et l’argent ?

Toutes choses égales, un pays fait bien assez pour conserver sa provision