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étaient beaucoup plus multipliées, ont toujours été recherchées avec tant de faveur, qu’elles ont été parfois l’objet d’une prime (les coupures de la Guadeloupe sont de 1,000, 500, 100, 50, 10 et 5 francs). Ce papier, parfaitement accueilli par la population noire, est tout-à-fait entré dans ses habitudes, et il n’y a pas d’éducation à faire sur ce point. »

Nous admettons sans difficulté les dispositions que peut avoir la population noire à se familiariser avec l’usage du papier de banque. Ce n’est pas la crédulité, c’est bien plutôt l’esprit d’examen qui manque aux peuples enfans. Pourquoi d’ailleurs les noirs refuseraient-ils les billets de crédit, tant que ces billets, grace à la confiance générale, conservent la même valeur que l’argent ? Cette race n’a pour les métaux précieux aucune superstition qui l’éloigne de tout autre moyen d’échange. Elle adopterait certainement le papier de banque aux Antilles, de même que dans certaines régions de l’Afrique elle adopte, en guise de monnaie, le fer ou les toiles de coton. Il est évident encore qu’à valeur égale, le papier sera préféré à l’argent, parce qu’il rend les paiemens et le transport des valeurs plus faciles ; et parmi les coupures, les petites obtiendront toujours la préférence sur les grandes, à cause de la possibilité de fractionner et d’échelonner les comptes. Le même phénomène se produit dans les métaux précieux, pour les pièces de menue monnaie. Cependant toutes ces questions ne se décident pas par le penchant des parties prenantes ; ce qu’il faut considérer avant tout, c’est l’intérêt du commerce et de la circulation.

Sans doute, les petites coupures sont commodes principalement aux médiocres fortunes : elles pénètrent très avant dans la circulation et n’en sortent pas à moins d’un danger ou d’une panique ; mais aussi la panique venant à se manifester, tous les détenteurs assiégeront à la fois les guichets de la banque, demandant le remboursement de leurs billets. Le discrédit deviendra plus général, plus irrésistible et plus profond au moindre souffle de l’orage. Le mécontentement se changera bien vite en émeute, et l’alarme en panique. Les moindres émotions des porteurs deviendront pour la circulation un arrêt et un germe de mort. Le papier de banque ne circule avec sécurité que lorsqu’il va surtout aux détenteurs qui ne sont pas tout-à-fait à la merci des événemens et sous la pression du besoin. Le crédit est certainement une affaire d’opinion ; cependant on ne peut pas le livrer au hasard des convictions les plus ignorantes et des impressions les plus éphémères.

Avant l’émancipation des esclaves, la propriété n’étant pas divisée dans les colonies, les ouvriers ne recevant pas de salaire, et les transactions ne s’opérant que sur des sommes importantes, la circulation pouvait plus aisément se passer de petites coupures soit en papier,