Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/1028

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des saisons. Sous Louis XIV, ils parurent d’abord, dans un format plus grand puis en plusieurs feuilles, et l’on y voyait reproduits les événemens les plus importans de, l’année qui venait de s’écouler, ou bien quelque cérémonie, quelque fête de la cour. Les uns nous font assister la victoire de Senef ou à la signature du traité de Nimègue, les autres représentent le roi dansant le menuet de Strasbourg ou offrant une collation aux dames. Sans doute ces petits recueils ne portent pas tous l’empreinte du talent, mais ceux même qui, au point de vue de l’art, paraissent dépourvus de mérite, sont encore dignes d’intérêt, parce qu’ils offrent sur les costumes et les usages du temps des renseignemens d’une exactitude incontestable.

Tandis qu’un nombre considérable d’artistes français se consacrait à la gravure des sujets de mœurs, à l’illustration des livres et des almanachs, quelques autres retraçaient sous une forme satirique les faits politiques contemporains ou les personnages célèbres. La gravure de caricatures, dont les progrès ne datent guère que du milieu du XVIIe siècle, avait été cependant pratiquée long-temps avant cette époque en France et dans les pays étrangers. Sans parler des Danses macabres, sorte de satires religieuses ou tout au moins philosophiques, on pourrait citer certaines caricatures gravées en Allemagne et en Italie sous le règne de Maximilien II, en France sous celui de Charles IX ; mais elles sont ou licencieuses comme celles que l’on fit ensuite sur Henri III et ses courtisans, ou lourdement grotesques comme celles qui parurent au temps de la ligue et de Henri IV. Au moment où Louis XIII monte sur le trône, la caricature est encore fort grossière, à en juger par les œuvres étranges qu’inspirent à nos graveurs la disgrace et la mort du maréchal d’Ancre, et par les estampes espagnoles ou flamandes qui prétendent ridiculiser les Français ; mais quelques années plus tard, après que Callot eut introduit dans le style burlesque un goût et une finesse qu’il ne semblait pas devoir comporter, les sujets satiriques prirent, sous le burin d’Abraham Bosse, de Michel Dorigny et de quelques autres graveurs habiles, une apparence moins libre et des formes plus ingénieuses. Il va sans dire qu’au commencement du règne de Louis XIV, tant que durent la fronde et l’occupation par l’étranger d’une partie de notre territoire, ce sont les Espagnols et le Mazarin qui demeurent l’objet de toutes les épigrammes. Dans les caricatures de cette époque, les Espagnols sont invariablement représentés avec d’énormes fraises, des vêtemens en lambeaux orgueilleusement portés, et, pour compléter l’allusion à leur misère, des bottes de raves ou d’ognons suspendues à la ceinture. Une des estampes qui parurent après la victoire de Lens nous montre le Bec de l’Espagnol pris par le Français, c’est-à-dire le baron de Beck qu’un Français, le prince de Condé probablement, tient par la lèvre ; une autre résume les conséquences de cette victoire dans le départ de don Farinas, héros