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plusieurs milliers d’ouvriers avaient voté leur adhésion au principe de l’établissement d’un enseignement purement laïque qui laisserait complètement en dehors et abandonnerait aux ministres des cultes l’instruction religieuse, et ils avaient décidé la rédaction d’une pétition au parlement. Qu’est-ce que le peuple, s’il n’était représenté.dans aucune de ces trois réunions ? Mais, à en croire le rédacteur du Proscrit, la seule chose qui soit faite pour le peuple chez nos voisins, c’est la contrainte par corps. Faut-il en conclure que le peuple se compose uniquement des gens qui ont des dettes ? On serait tenté de le supposer, à voir l’ardeur aussi persévérante que désintéressée avec laquelle M. Ledru-Rollin flétrit en vingt endroits la contrainte par corps. Seulement il semble croire qu’un créancier, en donnant caution, peut toujours faire incarcérer son débiteur : c’est le contraire qui est vrai, c’est le débiteur qui, en fournissant une caution proportionnelle à sa dette, peut toujours obtenir sa liberté, même après un jugement d’incarcération.

Il va sans dire que ce peuple qui ne lit pas les journaux, qui ne juge pas, qui ne peut pas se réunir, mais qui va en prison pour dettes, ne jouit point du droit électoral. M. Ledru-Rollin ne dédaigne pas cette petite ruse d’arithmétique qui consiste à opposer le chiffre des électeurs au chiffre total de la population, comme si toute une moitié de cette population avait à attendre d’un autre que M. Considérant la concession du droit de suffrage. M. Feargus O’Connor, un peu moins habile, reconnaissait tout récemment dans la chambre des communes en réclamant le suffrage universel, qu’il y a en Angleterre un électeur sur sept mâles, et, comme on ne vote point au maillot, cela suppose au moins un électeur sur six individus arrivés à la virilité. Personne n’ignore d’ailleurs qu’une loi électorale a été préparée et a failli être présentée cette année même au parlement, et qu’elle aurait eu pour effet de doubler au moins le nombre des électeurs et de le porter à deux millions et demi. Si, sur une population de seize millions, on retranche deux millions et demi de citoyens et leurs familles, que restera-t-il de cette foule innombrable de prolétaires créée par l’imagination de nos socialistes ?

Les pamphlets wesleyens du dernier siècle désignaient l’église anglicane à plus d’une attaque banale ; mais nous ne savons vraiment où M. Ledru-Rollin a pu découvrir qu’il fût obligatoire, pour les ministres, anglicans, d’écrire et de lire leurs sermons, afin de pouvoir les représenter à l’autorité. Quand il prétend que les évêques expédient aux ministres des sermons tout faits avec injonction de les lire, il méconnaît et défigure une tradition de l’église catholique conservée par les évêques anglicans, celle des mandemens annuels qu’on fait lire dans toutes les églises du même diocèse. Où a-t-il vu qu’aucun propriétaire, qu’aucun