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de la Cité. Où M. Ledru-Rollin signale des associations exclusives en quête d’un monopole commercial, il ne faut voir que des corps électoraux concourant également à l’élection du lord-maire, des vingt-six aldermen et des deux cent soixante conseillers, aujourd’hui réduits à deux cent quarante. Voilà pourquoi ce qui existait dans la Cité de Londres se retrouvait dans toutes les villes incorporées et dans celles-là seulement. Le bill de 1835, qui a modifié ou plutôt régularisé l’administration municipale en Angleterre, a touché à peine à la ville de Londres. Ce n’est pas par pusillanimité des ministres, ni par impuissance du parlement. Les compagnies de la Cité, ayant, depuis des siècles, une existence légale, sont des personnes civiles ; elles ont fondé des institutions charitables, des hôpitaux, des églises, des écoles qu’elles entretiennent et qu’elles administrent ; elles ont acquis des biens-fonds, elles ont reçu des legs ou libres ou à charge onéreuse. On ne pouvait modifier les institutions municipales de Londres sans atteindre profondément dans son existence la corporation de la Cité, et la destruction ou même l’altération de ce qui existe aurait soulevé les questions les plus graves en matière de propriété. Or, tout ce qui peut ressembler à une atteinte au droit de propriété est contraire à l’esprit de la législation anglaise et surtout profondément antipathique aux mœurs nationales. Le parlement s’est arrêté devant les difficultés de sa tâche, devant des droits acquis ; et non pas devant une coalition d’intérêts.

La Cité, d’ailleurs, ne forme pas en population et en étendue la quinzième partie de Londres, et le lord-maire, la cour des aldermen et le conseil commun n’ont pas plus d’autorité à Southwark, à Islinngton, à Piccadilly, qui sont parties intégrantes de la capitale anglaise, que le maire du premier arrondissement à Paris n’en a sur le douzième. À plus forte raison, les compagnies de marchands n’ont-elles d’influence d’aucune sorte. Comment M. Ledru-Rollin a-t-il pu attribuer aux compagnies de la Cité « la souveraineté dans les questions de salaire et de travail ? » Elles ne l’ont jamais eue ; elles n’auraient jamais pu l’exercer à aucun degré. Si, à Paris, les tailleurs d’un arrondissement s’avisaient de se réunir et de fixer pour leurs ouvriers un maximum de salaire, ceux-ci iraient travailler dans l’arrondissement voisin ; ainsi en eût-il été de la Cité, qui n’est qu’un point perdu dans l’immensité de Londres.

Les jurandes si répandues en France, surtout dans le midi, étaient un héritage de l’antiquité latine : elles étaient la continuation directe des corporations de l’empire romain ; en Angleterre, au contraire, l’invasion saxonne a fait prévaloir les mœurs et les institutions germaniques, et à côté de la liberté du commerce et du travail on trouve, dès les temps les plus anciens, la société des secours mutuels, l’assurance réciproque contre l’incendie ou les cas de force majeure, la ghilde embrassant