Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 7.djvu/940

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’Athènes par le chef de l’église-mère conjure les deux dangers. La Grèce aujourd’hui est maîtresse d’elle-même dans l’ordre spirituel comme dans l’ordre temporel ; elle possède en outre un avantage unique, et qui ne sera peut-être pas sans effet sur ses destinées : l’état, chez elle, porte le même nom que l’église. Qui dit grec en Orient dit orthodoxe. La Russie elle-même est du rit grec. Il y a là le germe d’une force morale qui a déjà ressuscité la Grèce, et qui pourra servir à sa fortune future.

Une mesure dont la valeur est purement administrative mérite aussi d’être citée. Depuis l’introduction du régime représentatif à Athènes, le budget de l’année courante n’avait jamais pu être voté en temps utile. On vivait de crédits provisoires, et l’indépendance du gouvernement souffrait autant que le trésor des vices d’un pareil système. La chambre des députés, et cette résolution l’honore, a voté avant de se dissoudre le budget de 1851. Le sénat a imité son exemple ; malgré les scrupules constitutionnels des mêmes personnes qui s’opposaient à la régence. La charte dit que le budget de l’état sera voté chaque année ; c’est donc la violer que de se mettre en avance d’un an ! voilà comment raisonne ce parti auquel l’Angleterre, par l’intermédiaire de ses diplomates, professe le droit constitutionnel, et qu’elle représente avec une imperturbable constance comme le plus avancé et le plus intelligent du pays. Ces doctrines, par trop métaphysiques, ne sont du goût ni du roi ni de la nation, qui aiment mieux vivre que mourir selon les règles ; aussi, dans un cabinet que le roi Othon a formé la veille de son départ, le parti de la légation d’Angleterre ne compte-t-il aucun représentant. On ne peut disconvenir, après la campagne de l’amiral Parker, que cette exclusion ne soit une justice. L’Angleterre aura plus d’influence en Grèce que tout le monde, quand elle se contentera de n’y paraître que comme une grande nation, et d’y faire tout bonnement ce que fait la France. Le nouveau ministère contient les noms de plusieurs hommes distingués que leurs sympathies pour notre politique ont fait ranger dans ce parti que l’on appelle en Grèce le parti français. Les portefeuilles des affaires étrangères, de l’intérieur, des finances et des cultes leur ont été dévolus. Ils composent donc la partie véritablement essentielle du cabinet. Certes, nous pourrions aussi appeler cela de la justice ; car, devant l’hostilité des agens anglais, les tergiversations sans nombre des agens russes et l’attitude franche et ferme des agens français sous la monarchie comme sous la république, la Grèce a pu reconnaître ses amis, distinguer ceux qui ont parlé pour eux à l’Europe de ceux qui ont agi pour elle seule, comparer enfin des notes retentissantes à une honorable et énergique résolution. Le compte de chacun a été fait à Athènes, et la France y aurait certainement conquis le droit, si elle eût voulu jamais jouer à l’intrigue, d’y introniser un ministère français. De tels triomphes heureusement sont loin de se pensée, et les noms de tous les conseillers actuels de la reine Amélie rendent le même son à notre oreille. Le nouveau ministère grec ne nous semble bon que parce qu’il répond à la situation, et qu’il est formé d’hommes qui ont une valeur réelle. Leur origine nous est parfaitement indifférente, c’est leur capacité qui nous importe. Qu’ils mettent de l’ordre dans les finances, qu’ils répriment le brigandage, qu’ils assurent la paix publique et la liberté des choix dans les élections, qu’ils s’élèvent enfin à une certaine hauteur gouvernementale, qui implique de la tenue, de l’impartialité et de l’union, et qui a trop souvent manqué à l’administration hellénique, nous ne penserons