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ils ont vu que non-seulement la France ne voulait point d’eux, mais qu’elle voulait ce qu’il y avait de plus contraire à eux et à leurs intentions. Ils voulaient une république qui cotoyât la démagogie et le socialisme. La France voulait une république qui cotoyât la monarchie, et c’est pour cela qu’elle faisait président un prince, parce qu’il était prince et non pas quoiqu’il fût prince. En face de ce démenti que la France donnait à l’œuvre de 1848, les républicains constituans, ne pouvant pas s’arranger pour faire vivre leur république démagogique, ont fait du moins tout ce qu’ils ont pu pour faire mourir à terme fixe cette présidence princière que la France élevait en dérision de leur république.

Cette hostilité flagrante, établie à dessein par le parti constituant entre la constitution de 1848 et le président, le prince Louis-Napoléon a-t-il eu tort, à Strasbourg, de la dire et de la proclamer bien haut ? Non, certes ! Il a dit aussi que, si son pouvoir était légalement restreint, l’origine de ce pouvoir lui donnait une influence morale immense. A-t-il eu tort en cela ? Pas davantage. Il n’a fait sur ces deux points qu’exprimer la vérité de sa situation. Il n’est pas resté en-deçà, il n’a pas été au-delà.

Il est des personnes qui auraient voulu qu’il allât plus loin, et qu’il déclarât la guerre à la constitution. Le président, au contraire, s’est honoré de dire qu’il ne l’avait pas attaquée, et en vérité, si le président eût voulu attaquer la constitution, pourquoi eût-il choisi son voyage ou le banquet de Strasbourg pour faire cette manifestation ? Non, le président s’est honoré, et il a raison, du scrupule avec lequel il a observé une constitution faite contre lui ; mais cela donne-t-il un brevet d’immortalité à la constitution de 1848 ? Nous ne le croyons pas. Cela nous assure seulement que la révision ou la réforme ne viendra pas du côté du prince, et c’est là précisément ce qui contrarie quelques personnes, quelques-unes même, de celles qui crient le plus fort contre les coups d’état. Elles les craignent ou les détestent d’autant plus qu’ils ne sont pas faits. Le jour, l’heure, la minute où les coups d’état seront des faits accomplis, vous les verrez respirer à l’aise et comme affranchies d’un grand poids. Leur grande affaire, c’est de ne point se charger elles-mêmes de leur propre destinée, d’en laisser le soin aux autres, quitte à les maudire ou à les haïr, selon le succès. Ces personnes-là, et c’est un peu tout le pays, aimeraient fort que le président prît sur lui la responsabilité d’une solution quelconque, en dehors de la constitution. Ce qui les épouvante, c’est d’avoir à se décider, à s’occuper elles-mêmes de leur propre salut. Conduisez-nous, gouvernez-nous, opprimez-nous, disent-elles volontiers au président ; faites ce que vous voudrez, mais faites quelque chose. Non, a répondu le président dès son allocution de Lyon, non : je suis prêt à tout, à l’abnégation comme à la persévérance, à m’éloigner ou à rester ; mais je n’ai point attaqué la constitution, a-t-il dit à Strasbourg en résumant ses pensées à la fin de son voyage, parce que le titre que j’ambitionne le plus est celui d’honnête homme. — Tenons-le donc pour dit : ceux qui espèrent que le président se chargera tout seul de les sauver se trompent dans leurs espérances ; car, après avoir lu avec grand soin les paroles du président pendant son voyage, la conclusion la plus claire qui en sorte pour nous, c’est que le président a mis le pays en demeure d’avoir une volonté. Il n’a pas fait plus que cela, mais il a