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REVUE LITTERAIRE




M. DE BALZAC. - M. BAZIN. - LIVRES ET THEÂTRE.




Qui nous donnera le mot juste et, vrai par lequel il faudra caractériser la période littéraire que nous traversons, — que nous venons de traverser, voudrais-je dire ? Il est peu de momens, sans aucun doute, dans l’histoire intellectuelle où cet art généreux de penser et d’écrire ait été exposé à plus de périls et plus directement menacé dans son essence. L’instinct du vrai, la mâle droiture de l’esprit, la saine vigueur de l’imagination, la sûreté du goût, la nette et forte simplicité du langage, tous ces dons énergiques ou faciles qui composent l’art littéraire ont subi d’étranges déviations ; ils ont été pliés à d’étranges caprices. Les qualités heureuses de l’intelligence, là où elles ont brillé, ont été souvent employées elles-mêmes à d’indignes usages, à satisfaire une curiosité irritée et complice, à réveiller l’attention blasée par la singularité des conceptions, par l’excès des peintures. Les vices ont fleuri dans le domaine de l’esprit avec une rare abondance, et ont pris toutes les figures : culte du succès, ardeur du gain, recherche des dépravations morales, scepticisme grossier, confusion perpétuelle entre le vrai et le faux, adoration de soi. Ajoutez un trait, c’est que ces vices se sont donnés pour des vertus, et qu’ils ont été tenus pour tels. Quand on veut se rendre un compte net et exact de cette situation, l’esprit s’arrête devant la variété des phénomènes et la multitude des symptômes.