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védique. Or, voici que M. Hodgson, résident anglais à la cour du Népal, est parvenu à mettre la main sur les livres canoniques du bouddhisme, c’est-à-dire d’une religion qui compte sur la terre deux ou trois cent millions de sectateurs. M. Eugène Burnouf, s’attachant à ces précieux documens avec cette sagacité admirable.et cette exactitude sévère qui font de lui un homme supérieur, s’en est servi pour éclairer du même coup les origines du bouddhisme, l’histoire de la religion brahmanique dont le bouddhisme est un rejeton, et enfin la métaphysique hindoue, qui paraît avoir contribué puissamment à toute cette transformation religieuse. Pendant que M. Burnouf nous introduit dans les secrets des religions orientales, un autre de ces savans qui représentent glorieusement en Europe les belles traditions de l’érudition française, M. Guigniaut, achève son travail sur les religions de l’antiquité. Le volume qui vient de paraître[1] est une série d’éclaircissemens sur les religions de l’Asie occidentale et de l’Asie-Mineure, de la Grèce et de l’Italie.

Depuis quarante ans, d’innombrables travaux ont été accumulés par l’Allemagne sur les religions de la Grèce ; il suffit de citer les noms de Niebuhr, d’Ottfried Müller, de A.-G. Schlegel, pour rappeler des recherches où l’imagination et les conjectures ont peut-être une trop grande place, mais dont aucun juge impartial ne saurait contester l’originalité et la profondeur. M. Guigniaut s’empare de toutes ces richesses, non pour les confisquer à son profit, mais pour en accroître le trésor de l’érudition nationale. Écartant les hypothèses exclusives, celle qui ne veut reconnaître dans la religion hellénique qu’une importation de l’Orient, comme celle qui s’obstine à donner à la mythologie des Grecs une spontanéité parfaite qui ne lui appartient pas, le digne collaborateur de Creuzer, avec, cette mesure et cette justesse qui sont propres à l’esprit français, force les deux systèmes contraires à abdiquer leurs prétentions exclusives et à se concilier dans un système intermédiaire ; mais c’est surtout dans l’étude de la mythologie étrusque et de l’antique religion phénicienne qu’il était nécessaire de déployer toutes les ressources de la science historique et en même temps toute la réserve d’une sobre érudition. Ces deux cultes, par la rareté de leurs monumens, par le caractère mystérieux de leurs symboles, semblent un défi jeté à la curiosité moderne. Ici encore, en puisant largement aux sources allemandes, en mettant à. contribution les recherches de Welcker, de Lobeck, de Wachsmuth, et particulièrement le bel ouvrage de M. Movers, de Berlin, sur la religion phénicienne, et les récens travaux consacrés par M. Richard Lepsius à la mythologie étrusque, l’historien français a su, par un triage sévère entre les simples conjectures et les faits bien établis, fondre ensemble des ouvrages de différentes

  1. 1 vol. in-8o, chez Firmin Didot.