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élève sa pensée vers l’idéal de la beauté et de la justice éternelles, comme vers le plus digne et le plus solide objet des contemplations du philosophe ; mais il se range du côté d’Aristote, quand Aristote revendique contre son maître les droits méconnus de la nature et de l’individualité. Il accepte des mains de Descartes la pensée comme fondement de la philosophie, sauf à corriger Descartes à l’aide de Leibnitz, et à substituer au mécanisme cartésien le principe fécond de la force. C’est ainsi qu’après avoir reconnu l’accord des puissances de l’esprit humain, l’école nouvelle réconcilie également les systèmes. Elle aborde avec le même esprit l’histoire des religions et celle des arts, les grands problèmes de l’ordre politique et de l’ordre social, acceptant tout ce qui a dans la nature humaine une racine réelle, n’excluant aucune idée, aucune force, aucun parti, mais tempérant tout pour tout accorder, pacifique, impartiale, compréhensive ; n’ayant de parti pris que l’impartialité universelle.

Que l’Allemagne nous dise maintenant : Vous êtes des empiriques, car vous ne faites pas des systèmes. Nous répondrons : Des systèmes ! Le monde en est las, et il a raison. Si quelque chose pouvait manquer à notre opinion réfléchie sur la vanité des constructions synthétiques, vos exemples sont là pour nous y. affermir. Vous avez voulu faire des systèmes, et comment avez-vous réussi ? Après tant d’attrayantes amorces, après des promesses si fastueuses, après des efforts inouis, quelle nouveauté nous présentez-vous ? La doctrine d’Héraclite et de Zénon, le vieux panthéisme, et ce panthéisme lui-même, très inférieur à celui du Juif d’Amsterdam, où a-t-il abouti ? Au matérialisme le plus abject. Pour avoir voulu être des Platon, vous êtes tombés au niveau de La Mettrie.

Laissez-nous donc marcher dans notre voie Trouvez bon que la nouvelle philosophie française, sans trop s’émouvoir d’impuissans dédains, continue son double travail : qu’elle rattache à la nature humaine observée sans relâche toutes les grandes vérités qui gouvernent les sciences, constituent les religions, civilisent les sociétés, honorent et pour ainsi dire portent le genre humain ; -qu’éclairant la psychologie par l’histoire, elle cherche dans le passé, avec une curiosité infatigable, tout ce qui peut s’y rencontrer de vrai, de beau, de fécond pour en enrichir la pensée moderne.

Voici donc, je ne dirai pas notre système, mais notre doctrine très expresse et très positive : pour point de départ, la nature humaine ; pour instrument, l’analyse, appliquée d’abord à la conscience individuelle et puis à l’histoire entière de la pensée ; pour but, la restitution intégrale de toutes les croyances naturelles de l’humanité.