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indique du viatique et de la sépulture chrétienne. Nous ne savons pas s’il y a des degrés entre les sacremens ; et, quelque inhumaine ; le mot n’est pas trop fort, quelque inhumaine qu’ait été la conduite du clergé vis-à-vis de M. de Santa Rosa, nous croyons que le clergé était dans son droit. Le prêtre est parfaitement libre de donner ou de refuser son ministère comme bon lui semble, et le pouvoir séculier est incompétent à déclarer l’abus, mais en cette circonstance il ne s’agit point d’une controverse de théologie. La question est purement politique, et la provocation jetée par monseigneur l’archevêque de Turin n’est que le signal d’une levée de boucliers contre laquelle le gouvernement piémontais avait à son tour le droit de sévir. On ne peut plus maintenant se dissimuler que, depuis le jour où le parlement a porté la main sur les privilèges ecclésiastiques par la suppression du Foro, la cour pontificale méditait une revanche, et n’attendait que l’occasion d’engager un conflit. Rome, qui dans des circonstances analogues a partout cédé depuis vingt-cinq ans ; en Portugal, en Espagne, en Allemagne, croit aujourd’hui l’occasion favorable pour essayer de reconquérir son ancien ascendant. La réaction qui s’opère partout en faveur des idées conservatrices, la restauration de la papauté par les armes étrangères, la position difficile du Piémont, tout lui a paru devoir favoriser son entreprise. Elle a donc donné le mot d’ordre et organisé la résistance eu Piémont contre le système constitutionnel qui a accompli la réforme dont elle se plaint, réforme nécessaire du reste, et qu’il n’eût pas plus été possible d’ajourner à la monarchie absolue du roi Charles-Albert qu’à celle de son fils. C’est la connaissance de ce plan arrêté qui a dicté les déterminations prises par les ministres piémontais. Il répugne en effet de croire que, pour punir un acte isolé d’intolérance et un scandale comme nous en avons eu chez nous plus d’un exemple, ils aient fait un tel éclat et rompu en visière avec une cour que tant de raisons leur faisaient un devoir de ménager dans l’intérêt de la liberté de l’Italie. On n’emprisonne pas un archevêque comme un simple citoyen, et en tout temps c’est une entreprise dangereuse que de s’attaquer au clergé. Voilà pourquoi nous n’envisageons pas sans la plus vive inquiétude les conséquences possibles de cette affaire, et nous ne pouvons nous empêcher de regretter que le cabinet n’ait pas jugé convenable de se donner encore une fois l’avantage d’une provocation dédaignée et d’un excès de modération, s’il le fallait, plutôt que de recourir ab irato à des moyens extrêmes qui fournissent des armes à ses ennemis.

Monseigneur Franzoni a été conduit au fort de Fénestrelle, et les religieux de la paroisse de Saint-Charles, qui ont refusé de rendre les derniers devoirs aux restes de M. de Santa-Rosa, ont été internés dans leurs couvens d’Alexandrie et de Saluces. La ville de Turin, d’après les dernières nouvelles, est dans un calme parfait. Nous croyons devoir faire à cette occasion une remarque importante. On s’exagère un peu en France l’impression qu’une mesure comme celle qui vient d’être prise aura produite sur les esprits. Sans être le moins du monde voltairiens beaucoup de bons catholiques piémontais savent depuis long-temps à quoi s’en tenir sur le compte de monseigneur Franzoni ; ils connaissent le caractère âcre et difficile de ce prélat, honnête homme et bon prêtre si l’on veut, mais le plus embarrassant qui se soit jamais rencontré sur la route d’un gouvernement quelconque. Par son esprit brouillon, monseigneur