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cela que suivre le premier mouvement du cabinet de Berlin. Ses écrits de 1831 le désignaient pour le commandement de la province polonaise ; au moment où les difficultés survinrent entre les polonais et la population allemande de la Poznanie, il reçut une mission de conciliateur. Les esprits étaient de part et d’autre trop animés pour qu’il pût réussir. D’autre part, les choses ayant pris en Europe une tournure favorable à la paix, le teutonisme s’étant soulevé d’un bout de l’Allemagne à l’autre contre l’idée d’une Pologne indépendante, le général Willisen reconnut qu’il avait fait fausse route ; il regretta de s’être avancé au point de compromettre de nouveau sa faveur à la cour. Il avait hâte de réparer les fâcheuses conséquences de cette erreur de conduite et de se réconcilier avec le gouvernement et avec le teutonisme, dont il avait encouru la défiance. Il. n’imagina donc rien de mieux que d’entreprendre l’histoire des récentes campagnes de Radetzky en Lombardie et de brûler en l’honneur du vieux maréchal le même encens qu’il avait autrefois offert aux généraux polonais. C’est ainsi que le chef actuel des insurgés du Holstein a refait sa situation auprès des Allemands et du gouvernement prussien, dont au reste il représente parfaitement les calculs et l’indécision dans les fluctuations de sa conduite. Tour à tour conservateur et révolutionnaire, il personnifie aujourd’hui les velléités ambitieuses du cabinet prussien, qui le désavoue ostensiblement et qui peut-être l’encourage tout bas. Suivant toute apparence, le général Willisen retirera peu de gloire du rôle un peu de hasard qu’il a consenti à prendre. Quant au rôle de la Prusse, on sera forcé de dire qu’il n’a été ni franc ni hardi. Si l’Europe avait mieux pressenti combien d’intérêts graves allaient être engagés dans cette question, il eût été, en vérité, bien facile de réduire à néant les prétentions de la Prusse : c’était le devoir de la France et de l’Angleterre ; mais, tout en donnant au Danemark de bonnes paroles, elles n’ont fait en sa faveur que de vaines protestations. Qu’en est-il résulté ? C’est que la Russie s’est peu à peu introduite dans le débat, et qu’elle a saisi la haute mission d’amitié que les deux cabinets les plus intéressés à la conservation du Danemark avaient négligé de prendre. La Russie n’a pas craint d’appuyer le langage énergique et précis de son cabinet par la présence de sa flotte dans l’archipel danois. C’est à elle que peut revenir le mérite de la solution. Il est toutefois, une autre éventualité que le courage signalé du peuple danois rend vraisemblable, c’est que, par ses seules ressources, il réussisse à éteindre l’insurrection. Dans tous les cas, on sera en droit de reprocher à la diplomatie de n’être pas intervenue plus activement pour empêcher l’effusion du sang.

Nous avons souvent dit que l’Autriche donnerait tort aux prophètes de malheur qui la croyaient entraînée par l’esprit de vertige dans une série d’imprudences et de catastrophes : il est dans ses traditions de marcher à pas comptés ; mais, qu’elle soit aveugle sur ses intérêts, qu’elle ait un parti pris de ne rien accorder à l’esprit nouveau, c’est une accusation que réfute toute sa politique depuis la fin des guerres d’Italie et de Hongrie. Jusqu’à cette époque, assaillie de tous côtés à la fois par la révolution, l’Autriche a pu déchirer les chartes qui lui avaient été violemment arrachées, mais qu’elle ne s’est pas fait un instant illusion sur la nécessité où elle se trouvait dès lors placée de donner à l’empire et à chacun des peuples de l’empire des institutions plus libérales. Sa pensée était si bien d’en venir là ; que, tout en repoussant la constitution politique