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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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14 août 1850.

Tout est à la villégiature, et rien n’est à la politique. L’assemblée a pris ses vacances avec une satisfaction qu’exprimait la hâte de ses votes dans les dernières séances. Le président de la république est parti, et va faire un grand voyage dans les départemens de l’est, ça remontant de Lyon, à Strasbourg. Tout est calme, et nous nous félicitons de ce calme, qui est sincère et vrai. Nous avons lu cependant çà et là l’expression d’alarmes que, nous croyons réelles, uniquement à cause de l’observation que nous avons faite, que le lendemain des grandes émotions, il est des personnes qui ne peuvent pas se décider à reprendre la vie ordinaire. Le goût des émotions est un goût fort répandu de nos jours. On s’en plaint, mais on en jouit. C’est cette disposition maladive que nous attribuons les appréhensions que nous voyons chez quelques personnes. Le président va, dit-on, tâter le pouls des provinces, et c’est à Lyon ou à Besançon, je ne sais où, qu’il entreprendra ce grand coup d’état, qui est toujours pour demain. Il part président ; il reviendra empereur ou premier consul. Autre roman : la commission de prorogation va rester a Paris et se saisir du pouvoir central. Elle aura le télégraphe, et avec le télégraphe elle fera aussi son coup d’état contre le président.

Quant à nous, qui n’avons aucun goût pour les plaisirs de la peur, nous nous disons tout simplement que, si le président quitte Paris, c’est qu’il ne veut rien faire contre Paris, et qu’il ne craint pas que Paris fasse rien contre lui. Son voyage ne nous parait ni une conspiration ni une faute. Quant à la commission de prorogation, on suppose toujours qu’elle a été nommée contre le président, parce qu’il y a dans cette commission deux ou trois noms qui y ont été mis pour contrarier le président ; mais nous sommes persuadés que ces noms même ne le contrarient en quoi que ce soit, parce qu’il ne prend pas pour des ennemis des contradicteurs ingénieux ou capricieux. Voilà pourquoi le président quitte Paris et laisse le champ libre de la commission de prorogation