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des résultats bien différens. Contre un capital de 108 millions elle compte un passif exigible de 657 millions, ce qui fait que son capital, au lieu du quart, n’offre plus que la proportion du sixième.

On le voit, suivant les règles déjà surannées d’une science à l’état d’ébauche, aussi bien qu’en ayant égard aux considérations qui dérivent de la nature même du crédit, la Banque de France, le jour où la circulation redeviendra libre, ne peut pas rentrer purement et simplement dans ses anciens statuts. Ces statuts, en effet, partent d’un capital qui a toujours été, qui est plus que jamais insuffisant, pour lui ouvrir le champ d’une circulation sans limites. Tous les autres établissemens de crédit en Europe voient leurs facultés d’expansion bornées par la loi. La banque d’Angleterre, par exemple, au-delà de 14 millions sterling, n’a le droit d’émettre des billets que pour les échanger contre des espèces. La Banque de France seule est investie d’un arbitraire absolu ; elle n’est tenue à aucune obligation, et ne relève que de sa propre sagesse. On lui donne plus que les institutions n’accordent aux pouvoirs publics, aux délégués et aux représentans du souverain ; c’est la charger d’une responsabilité qui dépasse les forces humaines.

La Banque de France aurait pu, à la rigueur, offrir comme une garantie sa gestion, qui a été marquée au coin de la prudence depuis près d’un demi-siècle, si on l’eût replacée dans les conditions où s’exerçait son action, et se développait son crédit avant la révolution de février ; mais n’oublions pas que la Banque partageait alors le privilège de la circulation avec un certain nombre de banques départementales dont chacune avait son indépendance et sa sphère exclusive, et dont quelques-unes avaient pris une importance qui témoignait de leur vitalité. La concurrence de ces établissemens lui servait de frein en même temps que d’aiguillon. L’influence qu’exerçaient malgré elle sur ses opérations les fautes d’autrui l’obligeait à veiller avec plus de soin sur sa propre conduite. Aujourd’hui que cette limite de la concurrence n’existe plus, que la Banque agit sans contrôle, quelle est seule dotée et armée du privilège de battre monnaie de papier, ne faut-il pas que l’état intervienne, et que la sagesse précaire de la Banque soit dominée par la sagesse de la loi ?

Il n’y a plus qu’une banque de circulation dans le pays. En dehors des espèces d’or et d’argent, il n’y a plus qu’un moyen d’échange, qui est le papier de la Banque de France. L’unité monétaire du papier existe aujourd’hui comme l’unité monétaire des espèces, en vertu de la même loi scientifique et comme un dernier terme du progrès en matière de crédit. Sans doute, la révolution de février a été l’occasion déterminante de cette grande innovation financière ; mais, bien avant 1848, les idées et les faits y tendaient. On savait que le privilège conduit