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maisons meublées en laques de Chine, comme celle du docteur d’Oliveira, il y a des huttes immondes faites de paille et de boue.

J’ai dit qu’à mon arrivée une atonie générale frappait le commerce de San-Francisco. Le premier résultat de cette atonie avait été de réduire considérablement le prix des objets de consommation, des objets de fabrication européenne surtout, tels que les tissus, les draps, les vêtemens. À la rigueur, on pouvait vivre en ne dépensant que 4 ou 5 piastres par jour. Une chambre, parfaitement vide d’ailleurs, pouvait être louée au prix moyen de 200 francs par mois. Cette même chambre valait, il y a un mois, 150 à 200 piastres. — Cependant un gigot de mouton coûtait encore 27 francs ; la livre de beurre en valait 15, le litre de lait 7, et il était impossible de se procurer des radis à moins de les payer 5 francs la demi-douzaine. Dans les conditions que je viens d’indiquer, et la crise commerciale provoquée par la fièvre des spéculations ayant paralysé toutes les affaires, les seuls émigrans qui soient assurés de faire une fortune comparative sont les ouvriers. Un charpentier, un charron, un menuisier, un forgeron, trouvent toujours et facilement à être employés à raison d’une once d’or, 80 francs par jour. Leur nourriture et leur entretien ne revenant pas à plus de 20 francs, c’est une économie quotidienne de 60 francs qu’ils peuvent sans peine réaliser. Le blanchissage est une chose à peu près inconnue à San-Francisco, et la raison en est bien simple. On paie 30 francs où à peu près le blanchissage et le repassage d’une douzaine de chemises, de mouchoirs ou de paires de chaussettes, et ces mêmes chemises achetées neuves chez le marchand ne coûtent en moyenne que 24 francs la douzaine. Il en est de même à présent de tous les objets confectionnés. Une paire de draps ne se blanchit pas à moins de 5 piastres ; aussi l’usage des draps est-il considéré comme un objet de luxe auquel un très petit nombre de personnes peut atteindre.

Pendant mon séjour à San-Francisco, on s’attendait généralement à une hausse énorme et prochaine sur les articles de Paris. On achetait à tout prix les cravates, les gants, les cols, les ceintures, les rubans, les soieries façonnées, les écharpes, les châles, les parfumeries, et déjà l’on n’en trouvait plus. Il y a bien peu de femmes à San-Francisco, et parmi elles quarante ou cinquante à peine qui soient respectables ; mais la dépense à laquelle elles se livrent est exorbitante.

Tout râcleur d’instrument, joueur de cornet à piston, chanteur de hasard, musicien quelconque et virtuose de contrebande peut débarquer à San-Francisco sans crainte. Pour si misérable que soit son ta lent, il trouvera dix cafés tous prêts à utiliser ses services au prix net de 80 francs par jour. La séance de nuit se paie aisément deux onces d’or, 160 francs. Après avoir entendu çà et là quelques-uns des artistes