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vouloir en convenir, il se fit philosophe, partisan du sens privé, apôtre de la raison individuelle, et aborda lui-même avec ardeur le problème qu’il avait proclamé insoluble, savoir l’accord d’une raison libre avec une foi positive.

Cependant la nouvelle école spiritualiste prenait chaque jour des accroissemens. Philosophie opposante et persécutée à son origine, la révolution de juillet lui donna le caractère de philosophie victorieuse. Ce fut alors que l’école théologique, reformant ses rangs, entra dans une phase nouvelle. On ne pouvait point accuser la philosophie nouvelle de conduire au matérialisme ni au scepticisme. On chercha quel pourrait être son côté faible : on crut l’avoir trouvé dans sa théorie des rapports de Dieu avec le monde, et bientôt un mot se fit entendre, murmuré d’abord à voix basse, puis prononcé à haute voix, répété avec insistance, répandu avec préméditation, et qui ne tarda pas à retentir avec un bruit formidable par tous les échos de la chaire chrétienne et de la presse catholique, le mot panthéisme. C’est à M. l’abbé Bautain et à sa petite église de Strasbourg que revient l’honneur d’avoir découvert cette machine de guerre. M. l’abbé Maret se chargea de la mettre en œuvre, et ce fut dans ce dessein qu’il composa un livre destiné à établir à jamais ce beau principe : le rationalisme, c’est-à-dire toute philosophie libre et fondée sur la raison, aboutit nécessairement au panthéisme.

Cette formule fut célébrée à l’envi. Les princes de l’église la prirent sous leur patronage ; de succès en succès, elle finit par s’établir jusque dans la tribune politique, et de même que, sous la restauration, ç’avait été dans un certain monde une vérité claire comme le jour, une chose démontrée, incontestable, que la philosophie aboutit nécessairement au doute absolu, il ne fut pas moins certain ni moins évident, sous le gouvernement de juillet, que la philosophie aboutit nécessairement au panthéisme. Signalons ici une curieuse analogie. L’abbé de Lamennais, qui avait cru triompher de la philosophie en la précipitant au scepticisme, fut puni de cet excès en se voyant accusé lui-même de scepticisme et de philosophie. Aujourd’hui, même expiation d’un excès semblable. M. Bautain et M. Maret se sont portés les adversaires du rationalisme, et ont prétendu lui imposer le panthéisme comme sa conséquence et sa condamnation. Eh bien ! sait-on qui est le plus accusé aujourd’hui de rationalisme et de panthéisme ? C’est M. Bautain et M. Maret, et le coup part, non de leurs adversaires, mais de leurs confrères dans le sacerdoce, de leurs meilleurs amis.

Ceci nous conduit à comprendre et à expliquer la situation présente de l’école théologique. Après s’être signalés au premier rang parmi les adversaires du rationalisme, M. Bautain et M. Maret ont essayé, chacun à son tour, une entreprise toujours délicate et périlleuse, je