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ames aux merveilles de la biologie, et leur donner enfin par la sociologie le dernier trait de.perfection. Voilà ce qui s’appelle une éducation complète. Encore M. Auguste Comte, craignant de laisser une lacune ou de passer pour un ennemi des muses, ajoute à son programme le grec, le latin et les beaux-arts.

Admirez la sollicitude de M. Auguste Comte pour les classes ouvrières : non-seulement il leur donne le droit au travail en intimant au pouvoir l’ordre formel de réaliser ce droit et d’avoir toujours pour cela à sa disposition les fonds nécessaires, mais encore il répand sur eux toutes les richesses de la science la plus élevée. Le moindre artisan sera versé dans les secrets de la biologie ; il n’y aura pas un valet de ferme qui ignore la philosophie de l’histoire, et, si quelque lecteur m’accusait ici d’exagération, je serais forcé de lui avouer que M. Auguste Comte menace les femmes elles-mêmes de leur faire apprendre les six grandes sciences positives[1].

Au spectacle de tels écarts, est-il possible de se défendre d’un sentiment douloureux ? Un seul motif nous a décidé à dérouler un si triste tableau : c’est que, dans l’égarement d’esprits sincères, de cœurs honnêtes, d’hommes très savans, entraînés par un faux principe à de pareilles extravagances, il peut y avoir un enseignement.


II. – ÉCOLE THEOLOGIQUE.

Qu’est devenue cette école inaugurée avec tant d’éclat pendant le premier quart de notre siècle par un concours extraordinaire d’esprits éminens, et qui dut une fortune si rapide aux paradoxes des Soirées de Saint-Pétersbourg, aux ingénieuses théories de la Législation primitive, à la dialectique enflammée de l’Essai sur l’Indifférence ? Où sont aujourd’hui les disciples de M. l’abbé de Lamennais ? Peut-être des yeux attentifs retrouveraient-ils l’esprit de sa doctrine parmi ce groupe d’écrivains qui reconnaissent pour chef l’ancien observateur de l’Avenir, M. de Montalembert ; mais : il n’y a plus de manésiens avoués, et les deux philosophes les plus renommés du clergé actuel, M. Bautain et M. Maret, se sont de plus en plus séparés, M. Maret surtout, de cette exclusive et hasardeuse doctrine. Y a-t-il encore des disciples de M. de Bonald ? Plus d’un sans doute ; mais, sans vouloir dépriser des écrivains aussi recommandables que M. Bonnetty, le savant directeur des Annales de philosophie chrétienne, et M. Nicolas, auteur d’un livre fort vanté dans le monde religieux, les Études historiques sur le Christianisme, il sera permis de dire que ces habiles disciples n’ont pas hérité de cette fertilité de ressources, de cette dextérité

  1. Application de la Philosophie positive, p. 65.