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murs de la chambre où s’était tenu le roi Charles-Albert pendant que le peuple de Milan assiégeait le palais, portaient en effet de nombreuses traces de, balles. Je n’avais pas voulu croire à pareille infamie. Ces lâches, qui n’avaient pas su se battre, l’accusaient de legs avoir trahis ! ils insultaient cette noble armée piémontaise qui avait vaillamment combattu ! Quelques jours après mon arrivée à Milan, le général Hess, m’avait attaché à l’état-major, et, vers la fin d’août, le maréchal m’envoya porter à Vienne les drapeaux pris sur l’ennemi pendant la campagne. Mes camarades, vous m’avez peut-être envié l’honneur de poser ces drapeaux aux pieds de l’empereur. Soyez heureux de n’avoir pas vu ces glorieux trophées qui avaient coûté tant de sang, entrer à Vienne comme un objet de contrebande ; puis disparaître sans pompe dans une salle de l’arsenal ! Soyez heureux de n’avoir pas vu ce peuple terrorisé laisser siffler par quelques jeunes gens qui se disaient Autrichiens la marche triomphale qui portait le nom glorieux de notre maréchal, cette marche dont les accords avaient toujours été pour nous un signal de victoire !

La campagne était terminée. Quand je revins à Milan, l’aspect de la ville était triste ; partout dans les rues, des mères et des femmes en deuil, dont les fils ou les maris étaient restés sur les champs de bataille. Elles arrivaient des provinces autrichiennes, et, avides de cruels détails, elles voulaient voir les places où étaient tombés ceux qu’elles avaient aimés. La comtesse Gatinara venait d’envoyer un prêtre piémontais, son aumônier, au maréchal, pour redemander le corps de son mari, tué près de Governolo. Je fus ému en pensant au grand chagrin qu’elle éprouverait lorsqu’elle lirait le triste récit que je fus chargé de lui transmettre. Son mari l’avait quittée jeune et brillant, et maintenant on lui renvoyait son corps dans une caisse pleine de charbon pilé.

De notre côté aussi, que d’amis que de compagnons d’armes avaient succombé dans cette campagne ! Deux des plus intrépides, Koppal et Pyrké, étaient morts ; mais la digne récompense de leur héroïsme les suivît dans la tombe : le chapitre de l’ordre de Marie-Thérèse décerna à leur mémoire cette croix brillante qui ne porte que ce mot pour devise : Fortitudini (au courage). Après la campagne, l’armée qui avait combattu en Italie donna au 10e bataillon de chasseurs un cor d’appel en vermeil avec un médaillon représentant le colonel Koppal à la tête de ses soldats ; ces mots étaient gravés à l’entour : En avant ! Koppal vous appelle. Les poètes Zedlitz et Grillparzer, qui, lorsque tout tremblait à Vienne devant les héros de l’anarchie, avaient osé chanter nos glorieux combats, eurent leur part dans notre reconnaissance ; l’armée leur envoya deux coupes d’argent ciselé. Combien d’autres noms sont gravés