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par Bonifacio, marchait dans les montagnes au milieu des rochers, arrivait également le 9 au soir devant le mont Berico, qui domine Vicence, et le 10 au matin, dès que le signal de l’attaque était donné, en levait les positions de l’ennemi. Maître alors des hauteurs qui dominent Vicence, le général foudroyait et incendiait la ville pendant que le reste de l’armée marchait à l’assaut. La garnison, voyant toute tentative de résistance devenue inutile, capitulait dans la nuit, et, quelques heures après, nos troupes, qui venaient de se battre pendant plus de quinze heures, retournaient à Vérone à marches forcées et y arrivaient le 12. Les Piémontais ne sont informés que le 10 dans l’après-midi de notre marche sur Vicence ; le 13, ils vinrent attaquer Vérone avec toute leur armée. Les Autrichiens y étaient rentrés depuis la veille. Ils déploient aux yeux des Piémontais étonnés une ligne de bataille formidable, et les contraignent à regagner leurs positions. Telle est la brillante opération qui prépara peut-être le succès définitif de la campagne, et dont un récit plus détaillé fera mieux encore comprendre l’importance.

La pluie, qui avait commencé après le combat de Goïto, ne cessa de tomber pendant trois jours. La campagne était tellement inondée, que les soldats des pelotons d’avant-postes montaient sur les mûriers pour ne pas être dans l’eau jusqu’aux genoux. Le maréchal ne quitta pas Rivolta pendant ces trois jours ; puis, le 3 juin dans l’après-midi, la pluie ayant cessé, il fit abandonner à l’armée les positions qu’elle occupait, et nous rentrâmes à Mantoue. Je fus logé dans un immense palais désert ; l’obscurité des salles, les profondes alcôves fermées par de lourds rideaux, les cabinets qui s’ouvraient sur des escaliers dérobés faisaient involontairement penser aux meurtres, aux trahisons, aux crimes affreux dont l’histoire des villes de ces petits états d’Italie est remplie. J’allai voir dans le palais des ducs de Gonzague les belles fresques de Jules Romain. L’élève de Raphaël a peint sur le plafond d’une des salles l’Assemblée des dieux de l’Olympe et deux figures allégoriques représentant le Jour et la Nuit dans des chars traînés par des quadriges de chevaux blancs et noirs. L’on peut se placer aux quatre coins de la salle, et, par un singulier effet de raccourci, les chevaux semblent toujours galoper vers le spectateur. De même, lorsqu’on entre dans la salle, une figure de femme, peinte sur un des murs latéraux, vous présente un anneau à bras tendu, et si l’on marche d’un bout de la salle à l’autre, la fleure semble raccourcir, puis allonger le bras pour vous suivre du geste en vous présentant toujours cet anneau. Dans la ville, on voit encore attachée à une haute tour une cage en gros barreaux de fer, dans laquelle un duc de Mantoue fit renfermer son frère, condamné à mourir de faim pour s’être révolté contre lui. Ce malheureux effrayait la ville de ses cris de douleur ; alors un ami dévoué monta, dit-on, sur le toit d’une maison voisine et le tua