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de Goïto pour le jour suivant. Le premier et le second corps allaient marcher ensemble ; trente-deux mille hommes et une puissante artillerie allaient attaquer une armée dont nous avions la veille enfoncé la première ligne, et que nous avions presque vaincue avec onze mille hommes. Sans faire la part au courage de nos troupes, sans compter sur le talent de nos généraux, l’ennemi allait être écrasé par le nombre seul, et la victoire ne pouvait nous échapper ; mais la pluie continua de tomber pendant les deux jours suivans avec une telle violence, que toute la campagne, couverte de rizières et coupée de canaux, fut bientôt inondée. Il devint impossible de conduire l’artillerie ; on fut obligé d’ajourner l’attaque, et un parlementaire ennemi ayant apporté, le 2 juin au matin, aux avant-postes, le rapport du général Rath, commandant de Peschiera, qui annonçait au maréchal que ses vivres étant épuisés, il avait été obligé de capituler, toute tentative pour secourir cette place et forcer les Piémontais à lever le siège devint inutile.


V

Le jour suivant (3 juin), le maréchal ayant reçu la nouvelle de la révolution éclatée à Vienne, vit que toutes les ressources allaient lui manquer, et ne voulut plus tenter le sort d’une bataille. Au milieu de sa victoire, il pouvait être rappelé pour soutenir le trône, et, son armée devenant une phalange sacrée destinée peut-être à sauver l’empire, il ne jugea pas à propos de la confier aux chances d’une bataille. Peschiera, qu’il voulait secourir, était tombée ; il résolut d’attendre des jours meilleurs pour reprendre l’offensive. Ayant donc renoncé à porter le théâtre de la guerre en Lombardie, il voulut, par la prise de Vicence, s’assurer la soumission et les nombreuses ressources de la Vénétie. Le général Hess, chef de notre état-major, dressa le plan de cette audacieuse entreprise, et l’exécuta avec une rapidité, une habileté dignes d’exciter l’admiration de tout homme de guerre. L’histoire d’aucune campagne n’offre l’exemple d’une entreprise de cette importance exécutée avec plus d’audace et entourée de plus de mystère. L’armée quitta Mantoue le 5 juin et se dirigea vers Vicence ; le maréchal détacha deux brigades du corps de réserve et les envoya à Vérone en les faisant défiler devant le front des positions occupées par les Piémontais, qui, trompés par cette marche, crurent que toute l’armée était rentrée à Vérone. Pendant ce temps, nos forces passaient l’Adige à Legnago, et arrivèrent à marches forcées le 9 au soir dans les plaines devant Vicence. Ces deux brigades détachées de l’armée étaient à peine entrées à Vérone par une porte, que général Culoz en sortait par l’autre avec deux batteries et cinq mille quatre cents hommes qui formaient la garnison, passait