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nous attaquer ; ils se contentèrent de déployer en première ligne deux régimens de cavalerie, et la nuit étant arrivée, le feu ayant cessé peu à peu, les brigades bivouaquèrent sur le terrain ou elles se trouvaient.

Lorsque la première ligne des Piémontais avait plié sous l’impétueuse attaque du colonel Benedek, le maréchal, craignant d’exposer cette brigade à une perte inutile, s’il donnait l’ordre de cesser le combat dans ce moment, ne voulut pas l’arrêter, et le général Wohlgemuth ayant culbuté les bataillons ennemis, la victoire penchait tellement de notre côté, que le maréchal se décida à faire soutenir l’attaque ; il m’envoya alors à Caïgole et Ceresara, en me donnant l’ordre de faire avancer le second corps et les réserves partout où je les trouverais. Je partis de toute la vitesse de mon cheval, passai devant les compagnies de réserve de la brigade Strassoldo en agitant mon mouchoir blanc, pour qu’elles ne tirassent pas sur moi, et pris la route de Ceresara. Il était tard, cinq heures et demie venaient de sonner ; mais les troupes du second corps ne pouvaient être loin. La joie me faisait bondir le cœur ; j’allais amener quinze mille hommes sur la place du combat ; la victoire serait à nous ; je voyais les Piémontais écrasés sous le feu de notre artillerie ; j’entendais les hurrahs de la cavalerie brisant les bataillons ; je dévorais des yeux l’espace, croyant apercevoir déjà la tête des colonnes du général d’Aspre ; mon cheval volait comme l’éclair. Enfin je découvris les premières maisons de Ceresara ; mais là les troupes, arrivées seulement depuis peu de temps, se reposaient dans les prés : tout était calme et tranquille ; les fusils étaient en faisceaux. J’étais encore tout brûlant de l’ardeur du combat, de la rapidité de ma course et je voyais nos espérances de victoire brisées. Devant cette indifférence et cette impassibilité, j’aurais volontiers pleuré de colère et de regret. J’ignorais que le corps du général d’Aspre ne faisait que d’arriver, et qu’il avait reçu l’ordre de ne pas quitter Ceresara. Le maréchal espérait, en effet, que les Piémontais, tournés sur leur droite par cette marche, se retireraient sans combat, et, dans le cas contraire, il avait ordonné de n’attaquer l’ennemi que le lendemain. L’heure avancée ne permettait plus d’apporter aucune modification à ce plan de combat. Pendant l’action, le général d’Aspre, qui savait que l’on ne devait attaquer que le lendemain, surpris d’entendre cette violente canonnade avait envoyé un officier au maréchal pour demander de nouveaux ordres. J’avais rencontré cet officier ; mais, au lieu de courir en se guidant sur le feu du canon traversant s’il le fallait, la ligne des tirailleurs ennemis, comme le lieutenant Essbeck à Santa-Lucia, il marchait tranquillement la carte à la main et escorté d’un piquet de cavalerie.

Une pluie affreuse commença à tomber le soir du combat, et le lendemain les troupes se reposèrent, se préparant à l’attaque des positions