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pivoter sur le premier, qui longeait la rive droite du Mincio et s’avançait lentement vers Goïto.

À trois heures, le premier corps n’était plus qu’à une petite distance de Goito, lorsque les patrouilles annoncèrent la présence des vedettes ennemies. Le colonel Benedek, qui commandait la brigade d’avant-garde, déploya les bataillons formés en colonnes, et continua sa marche ; les batteries ennemies, cachées jusque-là par les arbres et les sinuosités du chemin, ouvrirent alors un feu violent sur ses troupes. Benedek fit aussitôt avancer douze pièces de canon, trois raquettes à la congrève, et il riposta. Dès ce moment, un combat sérieux était engagé. Le colonel Benedek s’élance à la tête de ses soldats, pendant que la brigade Wohlgemuth se déploie sur sa gauche ; il marche, malgré le feu violent de l’ennemi, contre son centre : plusieurs bataillons de la première ligne de bataille des Piémontais, ne pouvant soutenir cette impétueuse attaque, prennent la fuite. Le colonel Benedek pénètre par cet intervalle, prend en flanc les bataillons qui tenaient encore, et qui reculent alors en désordre : la brigade des gardes s’avance, conduite par le duc de Savoie ; mais Wohlgemuth arrive à la tête de ses soldats, les gardes sont repoussés. La brigade Strassoldo vient en ce moment soutenir Wohlgemuth ; les Piémontais reculent de toutes parts ; leur première ligne est enfoncée. La victoire allait être à nous ; mais le feu terrible de l’artillerie piémontaise enlevait des files entières de nos soldats : une batterie ennemie, placée sur la terrasse de la villa Somenzari, tirait à mitraille, et une autre, ayant traversé le Mincio sur le pont de Goïto, prenait nos troupes en flanc ; nous n’avions que dix-huit canons et six raquettes à la congrève pour répondre au feu de quarante-quatre pièces de canon, et onze mille huit cent quatre-vingt-quatre hommes pour enlever des positions défendues par vingt-quatre mille. Cependant le courage et l’ardeur des nôtres suppléaient à l’insuffisance du nombre ; comme à Curtatone, le général prince Félix Schwarzenberg marchait à pied à la tête des bataillons sous le feu le plus violent, et les encourageait par son exemple ; quoiqu’il eût le bras traversé par une balle, il se tenait héroïquement au milieu de la ligne de bataille des Piémontais sans vouloir reculer, malgré le feu terrible de l’ennemi ; lorsque la brigade d’Aoste, en s’avançant, entraîna par son exemple et ramena au combat les bataillons qui avaient lâché pied. Les Piémontais reformèrent leur ligne de bataille ; seize chevaux d’une seule de nos batteries étaient tués ; et l’ennemi n’osait pas venir s’en emparer. Alors le maréchal, voyant ses troupes écrasées par une grêle de boulets, trop faibles pour reprendre l’offensive, mais comme cramponnées au sol, ordonna aux généraux de retirer leurs brigades hors de la portée des canons ennemis. Les Piémontais, malgré leur supériorité nous virent exécuter ce mouvement sans venir