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le temps que devait durer cette expédition, sur l’heure même du départ, avait été si bien gardé, que le soir, comme je rentrais après avoir passé quelques heures chez un officier blessé, je trouvai le maréchal parti. Je sautai aussitôt à cheval et l’allai rejoindre à Tombetta. Il était minuit : les troupes marchaient sur trois colonnes par Castelbelforte, Isola della Scala et Nogara vers Mantoue ; le maréchal suivait la colonne du milieu, formée du second corps ; à droite marchait le premier corps, et à gauche dix-huit escadrons de cavalerie. Toutes ces troupes entrèrent à Mantoue le 28 au soir. Cette marche habile en présence de l’ennemi, calculée par le général Hess, chef de l’état-major, avait été si rapide et si secrète, que les Piémontais surent dans la soirée seulement que toute l’armée autrichienne avait passé si près d’eux et devant le front de leurs positions. Le mouvement de nos troupes avait été d’ailleurs si bien ordonné, que, si l’ennemi fût venu nous attaquer pendant la marche, les colonnes s’arrêtant et les bataillons pivotant sur leur droite, l’armée se trouvait en un moment rangée en bataille, le premier corps en première ligne, le second en seconde ligne, et la cavalerie en réserve.

Le Mincio, en sortant du lac de Garde à Peschiera, coule du nord au sud et presque en droite ligne jusqu’à Curtatone, à la hauteur de Mantoue ; là il tourne à angle droit vers l’est et se dirige vers la forteresse. Un canal destiné à déverser le trop plein de ses eaux part de Curtatone, et, continuant la ligne droite que le Mincio suivait du nord au sud avant d’avoir tourné à l’est, passe par Montanara et Buscaldo et va aboutir à la rive gauche du Pô près de Borgoforte. Sur toute la longueur du canal, on a élevé une forte digue qui préserve le pays des inondations et forme avec le canal une ligne de défense naturelle dont la gauche se trouve à Curtatone, le centre à Montanara, et la droite à Buscaldo : c’est cette ligne qu’il fallait d’abord forcer pour pouvoir remonter la rive droite du Mincio et obliger les Piémontais à lever le siége de Peschiera.

Les Toscans, chargés de défendre cette ligne avaient élevé de fortes redoutes sur les routes qui partent de Mantoue et mènent aux trois villages que je viens de nommer ; les maisons et les murs d’enceinte avaient été crénelés, percés de meurtrières, et de grands tas de fumier, de fortes poutres, étaient dressés devant les portes pour que les boulets ne pussent les briser : ils avaient fait ainsi une citadelle de chaque maison. C’est pour attaquer ces villages et forcer cette ligne, défendue par les Toscans, que les cinq brigades du premier corps sortirent de Mantoue le 28 à neuf heures du matin. Les brigandes Benedek et Wohlgemuth marchèrent sur Curtatone, Clam et Strassoldo sur Montanara, et Liechtenstein sur Buscaldo. Le maréchal se rendit avec son état-major sur le fort Belfiore, et, les troupes étant arrivées à midi devant