Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 7.djvu/648

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

succès à l’aile gauche, fut repoussée avec perte de Croce-Bianca, et se retira dans le plus grand désordre.

La brigade d’Aoste, soutenue de la brigade des gardes et suivie de la division de réserve, arriva seule à l’heure dite, et commença l’attaque contre Santa-Lucia sur les dix heures du matin. Les Piémontais s’élancèrent à l’assaut des maisons et du cimetière, qui fut pris et perdu plusieurs fois ; malgré leur nombre, ils furent, après un violent combat, repoussés et obligés de se retirer à quelque distance pour attendre l’arrivée de leur seconde division ; le combat fut continué à coups de canon, et, la seconde division étant arrivée à une heure de l’après-midi, les Piémontais revinrent à l’assaut. Les nôtres résistèrent bravement, et défendirent le cimetière et le village avec un courage héroïque ; mais ils furent écrasés par le nombre et obligés d’évacuer Santa-Lucia. Pendant ce temps, la troisième division piémontaise, commandée par le général Broglia, attaquait Croce-Bianca ; le général d’Aspre l’ayant vaillamment repoussée et mise en pleine déroute, les Piémontais, craignant qu’il ne vînt tomber sur le flanc gauche de leur première division à Santa-Lucia, commencèrent à opérer un mouvement de retraite ; il était environ trois heures. Le maréchal, voyant le brillant avantage remporté par le général d’Aspre, m’envoya porter au général comte Wratislaw l’ordre d’attaquer Santa-Lucia avec toutes ses forces. L’archiduc François-Joseph était là, tranquille au milieu des boulets qui volaient de toutes parts et brisaient autour de lui les arbres du chemin ; il animait au combat ces troupes qui bientôt allaient être son armée, lorsqu’une batterie ennemie, cachée par les plantations de mûriers, tira à mitraille et nous envoya une grêle de balles. L’archiduc Albert fut couvert de terre et de branches brisées, le cheval du général Wratislaw fut traversé par une balle ; d’autres projectiles percèrent le pan de ma redingote et aplatirent le fourreau de mon sabre. Nos troupes s’élancèrent en avant, et le lieutenant-colonel Leitzendorf, le général Salis et moi courant à cheval à la tête d’un bataillon de grenadiers de l’archiduc Sigismond et de quelques compagnies du régiment de Geppert et les excitant de nos cris, nos soldats se jetèrent sur les bataillons ennemis la baïonnette en avant ; les balles volaient de toutes parts. Leitzendorf tomba frappé à mort, et je vis le général Salis, atteint en pleine poitrine, se pencher sur le cou de son cheval ; j’allai a lui, le sang lui sortait d’entre les épaules ; il me dit d’une voix mourante de le faire porter…je ne pus entendre où ; nos gens le reçurent dans leurs bras. Les bersaglieri défendaient bravement l’entrée du village, les grenadiers et les soldats de Geppert tombaient sous le feu ennemi ; mais, soutenus par un bataillon de Prohaskas et par les chasseurs du colonel Koppal, ils enfoncèrent les bataillons de la brigade Cuneo ; rien