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reconnaissance jusque sous les murs de Vérone. Ils comptaient sur un brillant succès ; mais cette entreprise téméraire fut encore plus mal exécutée qu’elle n’avait été conçue. Leur chef connaissait mal le terrain sur lequel il allait opérer, et croyait pouvoir dominer par sa volonté les diverses phases du combat ; il ignorait que, sur ce terrain planté d’arbres épais ; coupé de grands amas de pierres en forme de digues, l’impulsion une fois donnée, il perdrait entièrement de vue les troupes et ne serait plus maître de diriger l’action ; chaque capitaine allait être abandonné à lui-même dans l’attaque d’une ligne qui avait plus d’une lieue d’étendue. Les divers corps avaient d’ailleurs reçu l’ordre, dès qu’ils, seraient arrivés aux positions qu’ils devaient occuper avant la bataille, d’attendre des ordres ultérieurs pour engager le combat, et même de ne prendre aucune initiative, s’ils remportaient quelque avantage, et parvenaient à forcer sur quelque point notre ligne de défense.

Ce fut le 5 mai au soir que Charles-Albert se décida à faire attaquer les positions que nos troupes occupaient devant Vérone. Notre aile droite était à Croce-Bianca ; le centre à Santa-Lucia, l’aile gauche à Tomba ; et ce fut à- San-Massimo, village entre Croce-Bianca et Santa-Lucia, que le roi de Sardaigne résolut de forcer notre ligne de défense. Voici en peu de mots quel était l’ordre d’attaque des Piémontais. À gauche, la troisième division, conduite par le général Broglia, devait attaquer Croce-Bianca ; au centre, la première division, sous les ordres du général en chef Bava et soutenue par la division de réserve, marcherait sur San-Massimo, et commencerait l’attaque ; à droite, la seconde division, commandée par le général Passalacqua, attaquerait Santa-Lucia. La première division, soutenue de toute la division de réserve, forcerait la ligne des Autrichiens à San-Massimo ; et, lorsque les deux autres divisions se seraient emparées des villages de Croce-Bianca et de San-Massimo, elles s’arrêteraient sur le bord du talus qui domine la plaine de Vérone, et attendraient de nouveaux ordres. Quatre pages de dispositions marquaient ensuite chaque moment du combat, tout devait se passer comme sur un champ de manœuvre, et, pour ainsi dire, la montre à la main.

La principale et véritable cause de la malheureuse issue de cette entreprise, c’est que les chefs de corps piémontais furent instruits trop tard des dispositions du combat, et quand, le 6 au matin, ils se mirent en mouvement, personne, excepté quelques généraux, n’avait pu prendre connaissance du plan d’attaque. Il arriva ainsi que la première division, qui aurait dû forcer notre ligne à San-Massimo, alla attaquer Santa-Lucia ; la seconde division n’arriva qu’à une heure de l’après-midi à la place où elle devait agir, et la troisième, qui n’obtint aucun