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et spontanées ; sont système a du rapport avec la cosmogonie de Fourier, lequel a pu lui faire de nombreux emprunts. En politique et en morale, Restif est tout simplement communiste. Selon lui, la propriété est la source de tout vice, de tout crime, -de toute corruption ; ses plans de réforme sont longuement décrits dans des livres intitulés l’anthropographe, le Gynographe, le Pornographe, etc., qui prouveraient que, nos grands penseurs n’ont rien inventé sur ces matières. On retrouve, du reste, les mêmes idées mises en action dans la plupart de ses romans. L’un des premiers volumes des Contemporaines contient tout un système de banque d’échange pratiqué par une association de travailleurs et de commerçans. Est-ce, donc là la source des excentricités actuelles ?

Revenons avant tout à la biographie personnelle de ce singulier esprit ; il en a semé des fragmens dans une foule d’ouvrages où il s’est peint sous des noms supposés, dont plus tard il a donné la clé. Dans une série de pièces- et de scènes dialoguées qu’il intitule le Drame de la Vie, il a eu l’idée bizarre de représenter, comme dans une lanterne magique, les scènes principales de son existence ; cela commence aux premiers jeux de son enfance ; et cela se termine après les massacres du 2 septembre, qui paraissent avoir un peu refroidi sa ferveur révolutionnaire. Un autre livre, le Coeur humain dévoilé, décrit avec minutie toutes les impressions de cette vie si laborieuse et si tourmentée. Avant Restif, cinq hommes seulement avaient formé le projet hardi de se peindre, saint Augustin, Montaigne, le cardinal de Retz, Jérôme Cardan et Rousseau. Encore n’y a-t-il que les deux derniers qui aient fait le sacrifice complet de leur amour-propre ; Restif est allé plus loin, peut-être. « A soixante ans, dit-il, écrasé de dettes, accablé d’infirmités, je me vois forcé de livrer mon moral pour subsister quelques jours de plus, comme l’Anglais qui vend son corps. »

En lisant ce premier aveu, qui n’a pas dû être une de ses moindres souffrances, on se sent pris de pitié pour ce pauvre vieillard qui, un pied dans la tombe, vient, avec le courage et l’énergie du désespoir, exhumer les fautes de sa jeunesse, les vices de son âge mûr, et qui peut-être les exagère pour satisfaire le goût dépravé d’une époque qui avait admiré Faublas et Valmont. On a abusé depuis de ce procédé tout réaliste qui consiste à faire de l’homme lui-même une sorte de sujet anatomique ; nous chercherons ici à en faire tourner l’enseignement vers l’étude de certains caractères, chez qui la personnalité atteint aux plus tristes illusions et provoque les plus inexplicables aveux. Nous essaierons de raconter cette existence étrange, sans aucune prévention comme sans aucune sympathie, avec les documens fournis par l’auteur lui-même et en tirant de ses propres confessions le fait instructif des misères qui fondirent sur lui comme la punition providentielle de ses