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présentatives et dans les journaux que retentissent ces plaintes. Les états qui ne sont pas bien disposés envers la Prusse font une autre objection, toute de forme, mais beaucoup plus grave. Ils contestent à la Prusse le droit de traiter au nom de la confédération. Ils ne lui reprochent pas d’avoir fait la paix : l’Autriche même, comme puissance européenne, approuve le maintien intégral de la monarchie danoise et s’oppose à tout démembrement contraire au traité : mais, comme puissance allemande, l’Autriche conteste à la Prusse le droit de traiter seule, au nom de l’Allemagne, avec le Danemark. Si la Prusse veut que son traité engage la confédération germanique, il faut qu’elle le fasse ratifier par cette confédération ; mais où est le pouvoir qui représente cette confédération ? A Francfort, dit l’Autriche, et dans le congrès diétal qui s’y est rassemblé au nom de l’acte fédéral de 1815. — Non, dit la Prusse, l’acte fédéral de 1815 a été aboli par les décisions de la diète en 1848, quand elle a abdiqué au profit du parlement allemand. — Alors, répond l’Autriche à la Prusse, vous rattachez vos actes aux actes du parlement germanique, et vous procédez de 1848. — Sur ce point, la Prusse n’ose dire ni oui ni non. Il faut qu’elle dise oui, si elle prétend qu’elle avait le droit de traiter de la paix et de la guerre avec le Danemark, puisque c’est du parlement de Francfort qu’elle a reçu ce droit ; il faut qu’elle dise oui, si elle prétend également avoir eu le droit de fonder l’union restreinte. L’union restreinte, en effet, n’est légitime et légale que si la confédération de 1815 s’est suicidée elle-même en 1848, pour faire place au parlement germanique. Or, c’est là ce que conteste l’Autriche. À ses yeux, la confédération germanique et l’acte fédéral de 1815 subsistent encore. Les autorités et les pouvoirs chargés de représenter cette confédération ont pu changer dans la confusion de ces trois dernières années : la confédération a pu même être représentée par le parlement germanique et par le vicaire-général de l’empire, l’archiduc Jean ; mais la confédération n’a pas péri, à moins qu’on ne se place tout-à-fait dans la doctrine révolutionnaire, et qu’on ne croie que 1848 a fait table rase. La Prusse ne veut pas se placer dans la doctrine révolutionnaire. Que faire donc ?

Quant au traité de paix avec le Danemark, la Prusse se décidera-t-elle à se soumettre à la ratification de la diète ou du congrès assemblé à Francfort ? Mais elle a contesté l’autorité de cette assemblée. Ici la Saxe, qui, par sa situation géographique entre la Prusse et l’Autriche, est destinée à servir de champ de bataille, si jamais la guerre s’engageait entre la Prusse et l’Autriche, la Saxe fait une proposition intermédiaire. — Nous supposerons, dit-elle, que la diète de Francfort s’est assemblée pour décider de la ratification du traité danois. Ne reconnaissez pas son autorité antérieure, mais reconnaissez son autorité spéciale pour le cas même dont vous lui déférerez la connaissance. — Cette proposition est sage, et nous sommes persuadés que c’est par cette transaction que finira la question de la ratification du traité danois. Ainsi les deux droits et les deux avantages que la Prusse croyait avoir recueillis dans l’héritage de la révolution de 1848, le droit de fonder à son profit l’unité restreinte de l’Allemagne septentrionale et le droit de représenter la nationalité allemande contre le Danemark, la Prusse se les voit enlever par la politique de l’Autriche.

Si la Prusse n’a pas voulu avoir une politique tout-à-fait révolutionnaire, et nous l’en louons, quoique cela ait nui à la netteté de ses allures, est-ce que l’Autriche a pris une politique tout-à-fait contre-révolutionnaire et illibérale ?