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plus mauvais et un plus misérable sort, et cela par la faute de la démagogie. C’est la démagogie qui a perdu l’Allemagne, et qui a rendu vains les vœux qu’elle fait depuis trente ans pour sa liberté et pour son unité. Nous assistons aujourd’hui à la ruine des derniers restes de ce qu’on appelait pompeusement les conquêtes de mars ; nous voyons tomber même l’union restreinte, fondée sous les auspices et au profit de la Prusse. L’union restreinte n’était qu’un fantôme de l’unité germanique et un fantôme ambitieux, mais enfin ce fantôme était un souvenir : voici qu’il s’évanouit. La guerre que la Prusse soutenait contre le Danemark n’était pas une guerre juste c’était une guerre germanique et entreprise au nom de l’unité germanique. La Prusse vient d’abandonner cette guerre et de faire la paix avec le Danemark. Nous nous en félicitons au nom de la justice et de l’humanité ; mais enfin cette guerre du Schleswig était un souvenir des espérances ou des prétentions de 1848. La chambre des députés du Wurtemberg était encore animée de l’esprit de 1848 ; le bon et le mauvais. Elle est dissoute, et nous espérons même que les électeurs ne la renverront pas siéger à Stuttgart ; nous espérons des élections modérées et conservatrices. Qu’on y prenne garde en effet. Nous ne regrettons pas grand’chose des conquêtes de mars 1848 en Allemagne ; nous ne regrettons pas non plus l’union restreinte d’Erfurth, le teutonisme qui poussait l’Allemagne sur le Danemark et la démocratie sabs avenir du Wurtemberg. Nous regrettons seulement un grand mouvement populaire employé à de malheureuses agitations. Nous regrettons que le libéralisme allemand se soit cru trop faible pour se passer de l’appui de la démagogie, car c’est cet appui qui l’a perdu.

Nous avons voulu dire d’abord quel était à nos yeux le caractère des trois incidens que nous avons indiqués, l’évanouissement de l’union restreinte, la paix avec le Danemark, la dissolution de la chambre des députés en Wurtemberg. Ces trois incidens sont encore des pas en arrière faits par l’Allemagne de 1848 ; mais il ne suffit pas de dire quel est le sens général de ces événemens : ils ont aussi leur histoire particulière. C’est surtout le traité avec le Danemark qui semble devoir produire quelques conséquences dignes d’attention.

Quand la Prusse se fit l’instrument de la guerre ethnographique que l’Allemagne déclarait au Danemark en faveur du Schleswig, c’était en 1848. Le Prusse, voulant être quelque chose dans la révolution et ne voulant pas, bien entendu, se faire démagogique, se fit teutonne, et prit en main la défense de la nationalité germanique contre le Danemark. Le parlement de Francfort lui confia le soin de cette guerre. La Prusse était ainsi l’épée de Gédéon ; mais l’épée de Gédéon ne porta pas tous les grands coups qu’on en attendait, et l’on put, dès ce moment et dès cette guerre, reconnaître quelle serait l’attitude de la Prusse en s’alliant à la révolution de 1848 : elle craindrait toujours de trop triompher, et, comme elle voulait seulement profiter de cette révolution et nous la faire réussir, elle ne lui prêterait jamais son appui qu’à moitié. La Prusse, tout en servant sur quelques points, dans le Schleswig par exemple, la révolution germanique, ne voulait pas qu’elle devînt trop forte, et cette révolution, à son tour, tout en chargent la Prusse de faire la guerre au Danemark, ne voulait pas non plus que ce fût pour la Prusse une occasion d’agrandissement. Les deux alliés furent exaucés dans toute la mauvaise partie de leurs voeux. La révolution de 1848 ne devint pas forte ; elle devint plus faible chaque jour, quoique devenant plus violente. La Prusse fut même obligée de la combattre