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très bonne compagnie, mais que nous craignons beaucoup, parce qu’elle donne aisément prise aux charlatans. Ce qui nous prouve qu’il n’y a rien, c’est que le mouvement que nous avons vu a été aussi court qu’il a été vif. Au moment où M. Baze accusait impétueusement le ministère de conspirer, pour ainsi dire, contre l’assemblée, tout était perdu, et, la guerre semblait engagée entre le palais Bourbon et l’Élysée ; mais, aussitôt que M. Baroche a déclaré que le ministère ne conspirait pas, tout a été réparé. De bonne foi, pouvons-nous croire sérieuse et profonde une alarme qu’un mot excite et qu’un mot apaise ? Quoi ! voilà des gens que vous accusez de conspirer le renversement de la constitution !… Non, vous disent-ils… Sur quoi vous répondez : Oh ! alors c’est différent ! embrassons-nous. En vérité, c’est s’effrayer et se rassurer, à trop bon marché.

Rien du côté de l’assemblée ; rien du côté du président, qui ne songe pas aux coups d’état, et qui y pense si peu, qu’il dépense noblement et généreusement l’argent qu’il tient de la libéralité intelligente de l’assemblée ; point de crise donc : une fantaisie de dangers et une attitude de combattans sans bataille, voilà notre mot sur la quinzaine. Et cependant ce que nous venons de voir, nous le verrons encore plusieurs fois, comme nous l’avons déjà vu aussi plusieurs fois. Souvent encore nous nous inquiéterons et nous nous rassurerons pour rien, souvent encore nous verrons l’assemblée en proie à cette agitation nerveuse. Pourquoi cela ? C’est que, la constitution ayant dit qu’il faudrait en 1852 nommer un autre président, cette échéance fatale et mauvaise à cause de la non-rééligibilité sera nécessairement précédée par je ne sais combien de secousses et d’agitations morales. Comment, en venir là ? Comment n’y pas venir ? Si nous y venons, comment le supporterons-nous ? et pour n’y pas venir, comment ferons-nous ? Nous aurons les frissons du mal long temps avant le mal. Ce qu’il y a de bon dans la vie humaine, c’est l’incertitude du jour de la mort ; cela seul rend la vie supportable. La constitution de 1848 ne nous laisse pas cette incertitude consolante ; elle nous condamne à mourir à jour et heure fixes.

Et notez que nous ne disons pas cela contre la république, nous le disons au contraire pour la république, contre la constitution. La république, en effet, est ainsi constituée et arrangée dans notre pays, qu’elle périt si elle essaie de rajeunir et de se renouveler. Il faut, si elle veut vivre, qu’elle reste ce qu’elle est et où elle est. Nous la supportons et nous l’admettons, mais à la condition que rien ne dérangera son état présent. Le mouvement seul que veut lui donner la constitution la tuera. Nous sommes dans cette situation étrange et incroyable, que nous avons peur de tous les dénoûmens comme d’un accident, et que le dénoûment légal ne nous paraît pas moins menaçant et moins dangereux que les autres. Nous avons lu quelque part qu’il y avait un homme qui se croyait de verre, et qui ne voulait pas qu’on l’approchât de peur qu’on le cassât. Notre république est de verre. Tout ce qui l’approche risque de la casser, et la constitution même qu’elle a faite lui est sa plus grosse pierre d’achoppement.

Acquittons la promesse que nous avons faite il y a quinze jours de nous tenir au courant des événemens de l’Allemagne.

Si notre haine de la démagogie pouvait jamais s’affaiblir, nous la retrouverions, tout entière en voyant l’Allemagne et en songeant à sa destinée depuis deux ans et demi. Jamais pays plus honnête, et plus digne d’être heureux et libre, jamais vœux plus nobles, jamais espérances plus légitimes, n’ont eu un