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d’eux. Leur bonhomie de transactions, leur politique à deux faces ne nous embarrassera ni ne nous défendra plus. C’est désormais sur nous seuls que nous devons compter. Bourgeois véritables, ils ont compromis l’existence de la bourgeoisie, les uns par ambition, les autres par vanité, ceux-là par rancune ; la bourgeoisie les a laissé tomber et ne les relèvera pas. — Nous avions pourtant de bonnes intentions, diront-ils. — Hélas ! l’enfer en est pavé.

Tels sont les tendances et les élémens divers qui pendant quatre mois, se sont entre-croisés et ont formé la chaîne des événemens. Par momens tombaient sur la grande cité des tentatives d’insurrection, des velléités de soulèvement qui s’affaissaient et ne réussissaient pas. Enfin éclata la lutte suprême dans laquelle se regardèrent mutuellement la bourgeoisie et la révolution de février, chacune disant à l’autre le mot du trappiste : Il faut mourir. Le 26 juin 1848, la révolution de février rendit le dernier soupir. Les radicaux montrent peu d’intelligence de la situation, ou sont bien hypocrites, lorsqu’ils nous reprochent de vouloir anéantir la révolution de février : nous n’avons pas à l’anéantir, ils ne nous ont légué que son cadavre ; ce sont eux-mêmes qui l’ont tuée, ils ont été obligés, pour se sauver, de prendre à la gorge la formidable apparition qu’ils avaient évoquée imprudemment. Nous ne nous en plaignons ni pour eux ni pour nous : — pour eux, car nous nous rappelons les frayeurs mortelles que leur causa, quatre mois durant, cette horrible apparition qui, à chaque instant, venait frapper à leur porte et se promener sous leurs yeux ; — pour nous, car bien certainement il nous aurait fallu faire ce qu’ils ont fait. Ils ont tué leur mère, qui leur refusait le droit de vivre ; bienfaisans parricides et involontaires bienfaiteurs ! nous serions tenté de les bénir. La révolution de février, ce n’est point la république ; la révolution, c’est ce qui nous a menacés, ce qui nous a attaqués, ce qui a été vaincu, ce que nous craignons encore. Ce n’est pas une forme abstraite de gouvernement, ce sont des passions très réelles et des desseins très arrêtés auxquels il nous faut mettre obstacle. S’il n’y avait que la république en jeu, ce serait peu de chose : à tout prendre, c’est un manteau comme un autre ; mais ce qui importe, c’est que le corps que recouvre ce manteau ne devienne pas un cadavre. Si ce manteau qui nous abrite devait nous servir un jour de linceul, nous serions bien avancés vraiment ! Et puisqu’on parle tant des attaques dirigées contre la république, faisons une simple observation. La république peut-elle nous protéger contre les coups de l’ennemi ? Si elle le peut, qu’elle vive ! Au contraire, est-ce un manteau si large et si troué, que les insectes malfaisans et venimeux puissent s’y glisser sans bruit et nous donner la mort par surprise ? S’il en est ainsi, qu’en pouvons-nous faire ?

La question n’est donc pas de démolir la révolution de février : elle