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peu ; ce qui leur importe, c’est qu’elles couvrent et cachent leurs manœuvres. Dès-lors la ruse, la finesse et l’instinct sont les seules facultés qui se développent en eux. Ils deviennent d’une habileté sans égale à se tirer d’embarras, à trouver leur pâture, à faire leurs affaires, sans désobéir sérieusement aux lois morales. M. Caussidière a été certainement le caractère le plus original et le plus curieux de la révolution de février. Il connaissait mieux qu’aucun de ses collègues le peuple et certaines portions de la bourgeoisie. C’est là ce qui l’a rendu si redoutable, et ce qui l’a préservé jusqu’au moment de son inévitable chute.

Quant au troisième révolutionnaire que renfermait dans son sein le gouvernement provisoire, nous n’en parlerons que très peu. M. Ledru-Rollin est un homme ennuyeux et sans aucune espèce d’originalité.. C’est un homme tout théâtral et tout d’imitation. Ses qualités et ses défauts, il les exagère tellement, que toute sa nature est faussée par cette perpétuelle tension d’elle-même. M. Ledru-Rollin exagère les choses qui sont naturellement exagérées. C’est un homme complètement dépourvu d’esprit modérateur et de facultés pondératrices. Ainsi M. Ledru-Rollin est un homme de tempérament, et cette puissance qu’il porte en lui, qui n’a pas de règle, il s’efforce de l’exagérer encore, c’est un homme tout d’instincts, que non-seulement il ne songe pas à dominer, mais qu’il épuise et qu’il tarit à force de vouloir surexciter. Sa doctrine, c’est la révolution quand même. Tout cela fait de sa personne l’individualité la plus fausse et la plus artificielle qu’il y ait de notre temps. Le parti de M. Ledru-Rollin ressemble à son chef : ses partisans sont presque tous des hommes d’un esprit faux, ou qui sont placés dans une position fausse. Ce sont des bourgeois qui ne le sont plus, des hommes du peuple qui n’en sont pas, des gens de lettres qui se soucient peu de littérature, des journalistes qui n’ont pas de journal, toute une race hybride qui est à la fois oiseau et souris. Nous avouons que nous préférons mille fois les communistes purs et simples à ce parti criard, tapageur, qui casse les réverbères pour faire niche à la police, et qui porte des costumes extravagans pour faire peur aux bourgeois.

Nous ne dirons rien des membres modérés du gouvernement provisoire ; pardonnons-leur pour le mal qu’ils ont empêché, malgré le mal qu’ils nous ont fait. Ils sont assez cruellement punis. M. de Lamartine s’occupe aujourd’hui à fonder des colonies, M. Marrast est redevenu journaliste, M. Arago siége muet sur les bancs de l’assemblée. Ce sont les plus abandonnés d’entre les révolutionnaires ; les terroristes, les socialistes jouent encore un rôle du fond de leur exil ; eux n’en jouent plus aucun, bien qu’ils n’aient pas quitté leur patrie. Le pouvoir ne leur reviendra plus, par conséquent il est inutile de s’occuper