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de février est-elle utile aux vues de la Providence. Lentement nous nous endormions, oublieux de toutes les vérités, et, sentant le sol ferme, sous nos pas, nous nous inquiétions peu de savoir de quoi ce sol était formé et comment l’édifice était bâti. Trop de curiosité perdit l’homme, disent les légendes religieuses de tous les pays. Trop peu de curiosité au contraire, trop de confiance et d’insouciance perdent les peuples, nous disent les révolutions de tous les temps. Si cette révolution parvient à nous rendre meilleurs, remercions la Providence ; si elle ne fait que nous plonger encore plus avant dans l’abîme, que ses auteurs et ses complices soient à jamais maudits ! Cette révolution nous aura fait apercevoir des choses que jamais nous n’aurions vues sans elle, et pour cela nous la remercions comme doivent la remercier tous les honnêtes gens, toutes les ames qui sont sûres de ne pas manquer à leur devoir, tous les cœurs qui ne voient dans toutes les circonstances de la vie qu’un moyen de purification et d’amélioration morale. Mais que ses auteurs soient maudits pour toutes les mauvaises pensées qu’ils ont fait germer dans les ames des ignorans et des humbles, pour le mal qu’ils ont accru, pour avoir plongé encore plus avant dans l’injustice et dans le crime les méchans et les lâches, pour avoir rendu aux vicieux ce déplorable service de leur fournir une philosophie du vice et une morale de la cupidité. Que cette révolution. vienne au nom de Dieu, qu’elle soit un châtiment qu’il nous envoie ou une révolte contre ses volontés qu’il a tolérée pour la laisser se punir par elle-même, nous devons en maudire et en poursuivre les auteurs. Nous devons bénir Dieu, mais non pas les instrumens dont il se sert pour apaiser ses colères. Peut-être est-il dans l’ordre fatal des choses qu’un voleur soit un voleur ; n’importe, la seule récompense qui lui soit due, c’est la prison ou le gibet. Il est peut-être aussi dans l’ordre providentiel que tels crimes politiques arrivent à leur heure ; ceux qui les commettent n’en sont pas moins des criminels et doivent être frappés de réprobation. — Il y avait une fois, dit la Bible, un saint homme qui se nommait Job ; et sur lequel Dieu jetait des regards d’amour. Satan se présente un jour devant Dieu et lui dit : Veux-tu me permettre de tenter cet homme si juste ? sois sûr qu’il ne me résistera pas et qu’il t’oubliera. — Dieu le permit ; mais Job ne se laissa pas aller à blasphémer, et plus fortement il avait été frappé, plus hautement il proclamait les louanges de Dieu. Job est sublime, mais Satan, bien qu’il le frappe par la permission de Dieu, n’en est pas moins diabolique et haïssable. Pour nous, nous ne nous plaignons pas de cette révolution, elle nous a appris la chose la plus importante de toutes. Avant le 24 février, nous n’étions pas bien sûrs que la religion fût tout dans ce monde ; maintenant nous le savons, et tous ceux qui ont des yeux pourvoir peuvent l’affirmer comme nous.