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moins l’instinct de l’athéisme. Je sais bien qu’il y a une école de radicaux classiques qui font profession de déisme et répondent à toutes les objections : « je crois en Dieu ! » Il est si bien de l’essence de la démocratie d’être athée que le déisme lui-même y conduit. Qu’est-ce en effet que le déisme pour tous les radicaux ? qu’était-il pour Robespierre, leur déiste par excellence ? Un moyen de rendre l’homme plus moral et plus heureux. Le déisme n’est que le commentaire de ce vers malheureux de Voltaire

Si Dieu n’existait pas, il faudrait l’inventer.


Dans le déisme, ce n’est pas l’homme qui est fait pour Dieu, c’est Dieu qui est fait pour l’homme : l’immortalité de l’ame existe non pour une fin divine, mais pour une fin humaine, non pour que la vie reçoive sa sanction expiatoire ou rémunératoire, mais pour qu’elle puisse se continuer ; car il est si doux de vivre, il serait si triste de mourir tout entier, qu’il vaut mieux croire à cette consolante doctrine de l’immortalité de l’ame. Dieu, dans cette doctrine ridicule, est représenté d’une manière dérisoire. Pour que les démocrates acceptent un Dieu quelconque, il le leur faut paterne, car ils ne peuvent, disent-ils, croire à un Dieu méchant. Dieu, dans leur système, existe pour entourer les hommes d’une éternelle félicité, pour couvrir leurs fautes d’une infinie faiblesse. — En vérité, l’athéisme nettement exprimé est plus moral, plus sincère et plus courageux que cette niaise doctrine. Le déisme, c’est toujours l’amère absinthe de l’athéisme, seulement coupée de beaucoup d’eau et mélangée de miel pour mieux faire avaler à beaucoup d’honnêtes gens le démocratique breuvage.

Si la démocratie est agrée, le socialisme est beaucoup plus nouveau ; il ne se borne pas à si peu. Le communisme économique confisque toutes les propriétés mobilières et immobilières au profit de l’état ; mais le socialisme fait bien autre chose. Il confisque Dieu, les lois morales, la société au profit de l’homme ; les lois de Dieu, il s’en empare pour les faire servir à son usage particulier. Lorsqu’il vous parle tant du christianisme, il ne fait pas autre chose que le confisquer, comme il confisque les propriétés particulières. À cet égard, nous trouvons dans l’Histoire de la révolution de 1848 de Daniel Stern une note significative : « S’il est vrai de dire que le socialisme semble au premier abord une extension du principe de fraternité, apporté au monde par Jésus-Christ, il est en même temps et surtout une réaction contre le dogme essentiel du christianisme, la chute et l’expiation. On pourrait, je crois, avec plus de justesse, considérer le socialisme comme une tentative pour matérialiser et immédiatiser, si l’on peut parler ainsi, la vie future et le paradis spirituel des chrétiens. C’est peut-être là accomplir la loi, mais c’est l’accomplir en l’abolissant. » Ce qui veut