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Le comte de Thomas s’y trouva face à face avec presque tous ses adversaires de 1842 ; mais le terrain n’était plus aussi favorable à leurs manœuvres. Le pays, autrefois si rebelle à toutes les innovations économiques, qui, à vrai dire, n’avaient guère été jusqu’en 1842 que le prétexte d’expédiens fiscaux, le pays acceptait de confiance un système où les améliorations matérielles précédaient les promesses ; le soin scrupuleux que mettait le comte de Thomar à faire pénétrer l’opinion dans les moindres détails de la situation financière enlevait d’ailleurs tout prétexte à l’ignorance comme à la mauvaise foi. Politiquement, la situation n’était pas moins forte pour le ministère et la majorité modérée ; en Portugal comme en Espagne, les deux partis extrêmes s’étaient neutralisés en se confondant. Dans la dernière guerre civile, les septembristes avaient ouvertement arboré à Porto le drapeau du miguélisme, et les miguélistes, pour ne pas être en reste, avaient officiellement adhéré, par l’organe même du prétendant, aux doctrines du septembrisme. Devant cette double abdication, les élémens honnêtes et sérieux de l’une et l’autre opinion s’en étaient retirés.

Pour le gros du septembrisme, quel avait été en effet, depuis 1835, le principal ou plutôt l’unique mobile d’opposition ? Une antipathie acharnée contre le prétendant, antipathie qui, ne trouvant pas la distance assez grande entre celui-ci et le libéralisme modéré, n’hésitait pas à reculer jusqu’à l’ultra-libéralisme. De même pour le gros du parti absolutiste : la répulsion soulevée dans les croyances aristocratiques et religieuses du pays par les déclamations et les tendances ultralibérales avait certes donné plus de partisans à dom Miguel que sa prétendue légitimité, bien plus contestable, ce qui n’est pas peu dire, que celle du prétendant espagnol. Les miguélistes et les septembristes sincères affectaient donc d’oublier un drapeau qu’ils ne pourraient aller rejoindre qu’en se mettant à l’ombre du drapeau ennemi.

Ne trouvant plus rien à exploiter ni sur le terrain des intérêts matériels, ni sur celui des principes, l’opposition parlementaire a recouru à l’expédient habituel de toute opposition qui ne croit plus à elle-même, aux invectives. Ainsi, au lieu d’engager le débat sur la réponse au discours de la reine par l’appréciation des actes du gouvernement, comme c’est l’usage, les ennemis du comte de Thomar employèrent des séances entières à lui reprocher de ne pas s’être justifié devant les tribunaux ordinaires d’une calomnie ridicule et misérable au sujet du prétendu cadeau d’une calèche, calomnie éclose, à la faveur de la liberté illimitée de la presse, de je ne sais plus quelle bouteille à l’encre démagogique, et dont, au reste, il avait été fait déjà pleine justice. Cette manœuvre n’eut d’autre résultat que de provoquer à la chambre des pairs des scènes aussi violentes que scandaleuses. Le comte de Thomar exigea de ses bouillans adversaires une accusation formelle,