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pays restèrent dans le plus déplorable état, pis encore qu’en 1847, car à d’enthousiastes espérances avaient succédé le découragement et la défiance dans le pays, la désunion parmi les personnages les plus marquans du parti conservateur.

Dans des circonstances aussi difficiles, le comte de Thomar était le seul homme possible de la situation. Les masses l’avaient en quelque sorte consacré d’avance par leurs votes, et les déplorables résultats qu’avait entraînés l’abandon de son programme de gouvernement prouvaient que l’opinion ne s’était pas fourvoyée. L’esprit de conciliation et le rare désintéressement dont il avait fait preuve en janvier 1848 le rendaient d’ailleurs plus apte que tout autre à grouper les susceptibilités et les influences rivales qu’avait suscitées dans la majorité la politique dissolvante de M. de Saldanha. Le comte de Thomar dut donc accepter la tâche rude et difficile de réparer les maux légués par la fureur révolutionnaire et par l’ineptie des administrations postérieures à la révolution. Les trois premiers mois se passèrent en pénibles investigations et en examens rigoureux des statistiques du royaume dans toutes les branches du service administratif (statistiques que le ministère Saldanha avait, par parenthèse, totalement négligées) ; mais, à partir du quatrième mois, une infatigable activité succéda à la longue inaction de l’administration précédente. Avant la fin de 1849, le nouveau ministère avait déjà pris des mesures telles, que les billets de la banque de Lisbonne (papier adopté par le gouvernement) avaient haussé de 20 pour 100, et les fonds publics de 6 pour 100. La réforme de tous les bureaux des finances, celle de l’armée et du département de la guerre, étaient déjà décrétées, et des commissions d’enquête étaient instituées auprès des administrations fiscales, dont l’organisation vicieuse se prêtait à de nombreuses dilapidations depuis longtemps reconnues. En même temps, d’importans travaux avaient été entrepris sur les trois ou quatre grandes voies de communication les plus indispensables au commerce intérieur, entre autres la route de Lisbonne à la frontière d’Espagne. La confiance inspirée par le nouveau ministère avait suppléé, pour l’exécution de ces travaux, à la pénurie du trésor. Les souscriptions des chambres municipales et des propriétaires riverains, en venant se joindre aux ressources disponibles du budget, permettaient déjà d’y occuper plus de deux mille ouvriers. Déjà aussi la solde de l’armée était à peu près régularisée et le sort des officiers en activité très amélioré. Avant l’ouverture de la session, le ministère avait, en un mot, résolu ce double problème, de faire face aux services courans et de solder les obligations que la précédente administration lui avait léguées, et cela sans anticiper d’un réis sur les ressources de l’avenir. Il put donc se présenter la tête haute devant les cortès de 1850.