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au pouvoir et n’épargne rien pour en tomber. Aussi traversa-t-il, dans les circonstances les plus favorables, dix-neuf mois d’administration et deux longues sessions, sans laisser son nom attaché à une seule mesure utile, à moins qu’on ne veuille compter comme telle la réforme de l’hôpital des fous. Non-seulement les finances ruinées par la guerre civile ne furent aucunement améliorées, soit comme comptabilité, soit comme répartition et perception de l’impôt, en dépit des réclamations unanimes du pays et des chambres, mais encore on vit la dette nationale s’accroître, quoique les recettes eussent été supérieures aux dépenses et qu’on eût anticipé sur les ressources de l’exercice suivant. Le crédit et les fonds publics, qui en sont le niveau, baissaient chaque jour davantage malgré la ponctualité de la junte du crédit public à payer peu à peu les créanciers, ce qui, du reste, ne suffisait pas pour détruire le soupçon que le gouvernement donnait une autre application aux fonds destinés à servir l’intérêt de la dette consolidée. Les billets de la banque de Lisbonne restaient à 60 pour 100 au-dessous du pair, au grand préjudice du trésor et des particuliers. Le prêt de l’armée était plus arriéré qu’on ne l’avait jamais vu, et le gouvernement laissait s’amonceler dans les mains des porteurs les lettres de change non payées. Aucune réforme ne fut tentée dans les administrations publiques presque toutes en désarroi, et l’organisation de la nouvelle banque de Portugal, créée en 1846 au milieu des orages de la guerre civile, ne fut même pas décrétée. Pas un seul mètre de route n’avait été construit au bout d’une année et demie. L’administration civile et judiciaire provoquait, de la part des populations, des réclamations incessantes ; la nation tout entière murmurait de l’abandon dans lequel tout restait enseveli ; la majorité parlementaire ne tarissait pas d’avertissemens, et le duc, indifférent aux conseils comme aux plaintes, tout entier aux intrigues de coterie, mettait autant d’obstination à éviter les affaires sérieuses que ces affaires en mettaient à l’assaillir. Convaincu d’ailleurs de son insuffisance parlementaire, il s’abstenait de paraître aux chambres pour ne pas répondre aux interpellations qui lui étaient adressées de toutes parts. Un jour pourtant il eut la malheureuse idée de jeter au parlement et à ses collègues l’accusation d’inertie permanente qui pesait sur lui, et qui, ne pouvait véritablement s’appliquer qu’à lui seul, président du conseil et chef naturel de la majorité. Cette étrange boutade acheva de lui aliéner les esprits. Le mécontentement fit de rapides progrès dans les deux chambres et même parmi les membres du cabinet, et M. de Saldanha, abandonné de tous, résigna spontanément le pouvoir, en juin 1849, sans avoir laissé de son administration un seul souvenir honorable, sans inspirer un seul regret, si ce n’est à l’entourage qui l’obsédait, et qui l’a tant compromis, peut-être à son insu. Les affaires intérieures du